Cette pièce a été écrite spécialement pour Compagnie Basta.
C'est en quelque sorte une signature. Comme telle, elle porte non seulement un message, mais présente aussi un exercice de style adapté aux contraintes de la troupe. C'est pourquoi, entre autres, les acteurs ne sont pas explicitement femme ou homme, permettant ainsi plus de souplesse par rapport à l'effectif.
La pièce se voulant avant-gardiste, elle est dans le genre très rare au théâtre, de la science-fiction. Mais l'anticipation concerne le message lui-même: la victoire (utopique?) de l'intelligence objectivement éclairée sur toutes les formes de démagogie dans l'esprit de H. Laborit. Aussi, de science-fiction, il n'y a guère d'allusion aux technologies du futur, et donc peu, voire pas, de trucage. Au contraire, la pièce se déroule dans huis clos très serré.
Le dénouement étant assez inattendu, les acteurs devront jouer souvent de manière étrange pour préparer le spectateur: un bon exercice de style de jeux. C'est la signature artistique!
L'histoire se déroule après la colonisation de Hôdo, la première exoplanète visitée par l'Homme.
Les Hôdons y ont développé une société originale issue du mélange des premiers colons, astronautes, chercheurs scientifiques, aventuriers et desperados. Leur style de vie tient à la fois de la rigueur pragmatique quasi stoïque de la survie en milieu hostile, mais aussi de la sérénité bouddhique et de l'anarchie où les règles sociales se réduisent à dix commandements qui imposent le devoir au respect non seulement de la vie, mais surtout de la Psyché. C'est ainsi que tout être vivant et/ou pensant à droit à la "fuite honorable".
Quant à la politique, elle se résume à une simple règle : le hasard si non consensus.
Aussi, les Hôdons ont toujours sur eux un dé à dix faces.
La tradition vestimentaire vient des premiers colons qui portaient soit des uniformes d'astronautes, soit leurs propres costumes locaux.
La garde-robe des astronautes se compose de quatre ensembles de vêtements : les pièces de corps médicales et hygiéniques, la tenue de confort, la combinaison de travail et celle de survie.
Dans le contexte de la pièce, les quatre personnages principaux, sont habillés en astronaute, version confort ou travail, au choix du metteur en scène.
La tenue de confort est faite de deux pièces, un caleçon long moulant rappelant la tenue des plongeurs sous-marins et une tunique ajustée, descendant jusque sous les fesses et munie d'une capuche antifeu.
La tenue de travail est d'une pièce et ressemble aux salopettes ou aux combinaisons des parachutistes sportifs.
Quelle que soit la tenue, des bandes colorées sur le tronc et les bras indiquent les fonctions du personnel. Leur nom et grade y sont parfois inscrit.
La coupe des cheveux est aussi normalisée. En effet, la chevelure ne peut gêner la fermeture de la combinaison de survie. Les cheveux trop longs doivent être ramenés en chignon, retenus par un filet ou une cagoule antifeu.
Les couleurs de ces uniformes justifient que seuls les mains et les visages des quatre acteurs principaux soient visibles.
À l'opposé, les autres acteurs sont vêtus à la hôdon. Les hommes, ayant toujours aussi peu d'imagination pour s'habiller, ont tous, la même allure. Ils n'ont qu'une seule pièce de tissus : un kilt et, en guise de bourse, leur inséparable "PC" à tout faire qu'ils appellent "allinone". Les femmes, elles, portent toutes sortes de drapés, des paréos aux longues toges. Le drapé et la légèreté des vêtements sont dus à l'atmosphère d'étuve humide de Hôdo, où les mycoses ont une fâcheuse faculté à se développer. Le manque de ressources à l'origine de la colonisation conduisit à n'utiliser que des teintes pastel ou des toiles écrues. Ainsi, les autres acteurs ont l'aspect plus fantomatique. Une autre originalité vestimentaire du costume traditionnel hôdon est le poncho à capuche, souvent porté comme un plaid et commun au deux sexes.
Le jeu des acteurs principaux, ainsi que celui de l'un des acteurs secondaires, est particulier, en effet, ils pèsent quatre fois leur poids. Les conséquences de cette différence de poids, incomplètement compensée par une force supérieure, est de ralentir les déplacements. Afin de maintenir plus facilement son équilibre, l'acteur féminin se déplace à petit pas comme une geisha, le masculin avance comme un samouraï au combat (les pied le plus possible au contact du sol). Dans les deux cas, le centre de gravité oscille peu. Il faut donc pour, les hommes, se déplacer en fonction du nombril et non des jambes qui suivent le mouvement des hanches. Pour imiter le déplacement des geishas, les femmes peuvent s'entraîner en nouant les genoux.
Début de scène : gyrophare jaune, alerte, puis nuit totale. Les acteurs sont vêtus de noir. Il peuvent éventuellement utiliser un fond de teint crayeux pour augmenter le contraste.
Mika (m) ou Miko (f): Que s'est-il passé? Lumière!
L'éclairage ne fait apparaître que le visage et les mains des quatre acteurs qui sont vêtus de noir de telle manière que les spectateurs n'aperçoivent que les visages et les mains. Il n'y a aucun mobilier. Chacun tient un allinone (prononcé ayïnoné) en main. Cet objet est un ordinateur de poche qui réunit toutes les fonctions de domotiques et de communications.
Mika : Ha! Vous êtes là! Des explications Nono?
Presque chaque fois que Nono/Niña parle, il/elle consulte au préalable
sont "allinone".
Nono (m) ou Niña (f) : Je cherche, Commandant. Selon les informations que je lis, il semblerait que le X2-plasme (prononcé ectoplasme) se soit refermé sur nous. Le générateur devait être mal réglé.
Chico (m) ou Chica (f): Nous serions donc dans le miroir d'Alice?
Nono : Je le crains, toubib.
Basta (m ou f): Étrange! Où çà? Hors ou vers, Terra ou Hôdo?
Nono : Nous venons de quitter l'espace jupitérien. Nous sommes donc hors Terra.
Basta : Très étrange! Comment se fait-il que je ne m'en souvienne pas? Nous serions donc dans la première moitié d'un voyage vers Hôdo?
Chico : Je partage cet étonnement, conseiller! La traversée du miroir d'Alice n'engendre pas de trouble psychique entraînant l'amnésie. Or, j'ai beau réfléchir, je n'ai aucun souvenir précis avant maintenant. Je ne me rappelle même pas d'avoir embarqué dans cet engin.
Mika : Nono, vous vous rappelez au moins que vous êtes l'officier scientifique de ce… de ce… de ce quoi au fait?
Chico : Vous voyez! Vous aussi vous avez des trous de mémoire, Commandant.
Mika : Attendez! Vous savez tout comme moi, que je suis commandant de quelque chose vraisemblablement, un vaisseau spatial dans sa phase de miroir d'Alice hors Terra. Je sais en plus que vous êtes notre médecin de bord, et vous, que savez-vous?
Basta : C'est vrai, je sais cela, tout comme je sais que Nono est notre responsable scientifique, mais j'ignore ce que je fais ici, ni qui je suis, j'ai la curieuse impression d'être orphelin de tout vécu. Tout se passe comme si j'étais né il y a quelques instant à peine, quelque part entre ici et le néant !
Mika : Alors, Nono ? Qui est Basta ?
Nono : Notre expert d'interaction et de médecine psychosociale.
Mika : Je crois que si nous réunissons nos souvenirs, peut-être arriverons-nous à découvrir qui nous sommes, d'où nous venons et où nous allons. Mais avant quelqu'un pourrait me dire : je suis le commandant de quoi ?
Nono : D'un sea-morgh'N (prononcé Sîmorgh N) , série 7.0.5.Bêta, doté de la version non stabilisée du générateur X2-plasmique (ectoplasmique) II.
Mika : Un sea-morgh'N ! C'est bien çà ! (Il examine perplexe la pièce)… et une version bêta de surcroît. Pourquoi bêta ? Serais-je commandant d'essai ou un banni?
Nono : Peut-être les deux. Puis-je me permettre de signaler que les bases de données indiquent que les affinités néocommunistes du commandant Nic, ne furent point prisée par la hiérarchie. Ce qui lui valut d'être expédié vers une planète qui devint Hodo.
Mika : Je connais l'histoire de Nic et celle des premiers Hôdons qui furent en général des "bannis". Mais pourquoi serait-ce le cas avec moi? Je n'ai aucun souvenir de mon passé. Serais-je ce Nic, un de ses collègues ou successeurs?
Chico : Si le Grand Architecte voulait nous mettre dans un tube
à essai, pourquoi avoir choisi une histoire de science-fiction ? Il suffirait
de nous immerger dans un sous-marin, ou bien de nous abandonner dans une
île déserte ou dans les Andes. A moins que je ne sois fou et en train de
rêver tout ceci.
Nono : Rêver? Science-fiction ! Vous avez complètement perdu le sens des réalités. J'existe et où voyez-vous de la science-fiction ? Nous sommes en pleine réalité. Regardez notre uniforme: c'est celui des astronautes. Nous sommes dans un vaisseau spatial, non dans une construction expérimentale d'un architecte dément qui au lieu de trouer les murs pour faire entrer la lumière, aurait troué nos mémoires pour nous plonger dans l'obscurité.
Mika : Laissons, Nono. Notre mémoire est défaillante, mais si je ne m'abuse, étant le commandant à bord de ce vaisseau, il faut que je sache ce que nous devons y accomplir.
Basta : Notre commandant, certes, mais n'oubliez pas que je suis en droit de donner un veto si vous déstabilisez le tissu social.
Chico : Ou que votre état de santé laisse planer des doutes sur le bien fondé de vos ordres !
Nono : Et surtout s'ils sont illogiques ou irréalistes.
Mika : OK, OK ! Comment procédons-nous ? Nous sommes tous dans le même état d'amnésie. Et c'est vous qui allez me donner des conseils! Tissu social! nous ne sommes que nous quatre ici. Où est le reste de l'équipage? Sont-ils en danger? Et où voyez-vous de la logique dans ce que nous vivons? Il faut trouver le but de notre présence ici. Qu'est-ce qui prouve d'ailleurs que je commande un sea-morgh'N en route vers Hôdo ? Il faudrait à mon avis, déjà savoir comment y arriver sain et sauf. Et pour cela, il faut connaître quelles sont les ressources dont nous disposons.
Basta : Savez-vous au moins dans combien de temps nous y arriverons ?
Mika : Je ne le sais pas… ou plus, et vous ?
Nono, consultant son allinone : Dans quinze jours terriens.
Chico : On peut se serrer la ceinture pendant une quinzaine, mais on ne peut se passer d'eau et encore moins d'oxygène, or, à en juger par ce que je vois, nous sommes dans une bulle hermétique. (il consulte aussi son allinone) En fait, il nous reste dans le meilleur des cas à peine une journée de survie.
Mika : Et évidemment, pas moyen de demander de l'aide : les transports X2-plasmiques ne ressemblent pas encore aux départs de vacances et les communications y sont silencieuses comme ce trou qui nous retient prisonnier.
Basta : Nous allons donc tous mourir avant demain ?
Nono : La probabilité de survie est infime.
Chico : Et je n'ai rien ni pour nous mettre en léthargie, ni pour atténuer nos souffrances à venir.
Nono : En fait, vous ne servez à rien, dans le cas présent. Sauf à nous prendre notre oxygène.
Chico : Vous voulez ma mort ? (Cette phrase cynique est curieusement dite sans émotion.)
Basta : La fin anticipée de l'un d'entre nous permettrait de récupérer en plus, du liquide
Mika : Basta !
Basta : Oui ?
Mika : Non, je voulais dire "suffit!". L'une de mes charges de Commandant
de bord, est de vous faire arriver vivant au bout de la mission. Tous, si
possible. Nous n'allons tout de même pas sacrifier l'un des nôtres pour
prolonger notre agonie. S'il n'en restait qu'un parmi nous, il n'aurait
de toute manière pas plus de quatre journées. Certes, c'est suffisant pour
sortir complètement du miroir d'Alice, mais quels autres pièges peuvent
nous attendre d'ici là, car nous serons malgré tout, encore loin de Hôdo
et nous ne savons toujours pas dans quelle aventure nous sommes embarqués
!
Basta : Commandant, ne blâmez pas Nono. Il n'a fait que respecter
nos coutumes de toujours dire franchement ce que nous pensons et objectivement
les faits, dénués d'émotions et surtout d'évaluations moralisatrices.
Mika : Coutumes ?
Chico : Nous sommes Hôdons, Commandant !
Basta : Contrairement aux Terriens, nous nous efforçons d'appliquer cette hygiène afin que personne ne puisse manipuler notre subconscient et jouer avec notre cerveau reptilien. Trop de démagogues se sont complus à ce jeu ! Les uns exploitant notre peur naturelle et indéracinable de l'inconnu, les autres, nos subtils complexes de culpabilité. Les Terriens sont des marionnettes poussées à gauche ou à droite aveuglément au service de quelque oligarchie que l'on décapite parfois afin de rapidement changer de chef et de monopole. Nous, nous savons que nous ne sommes pas des machines idéales et nous l'assumons.
Mika : Merci, Basta, mais ce ne sont pas tes théories de neuro-bio-sociologie qui vont nous tirer du pétrin. Je veux bien que l'on se jette nos pensées à la figure mais dans le contexte actuel, notre travail est de s'en tirer et non de philosopher.
Basta : Il est vrai que je ne suis guère plus utile que Chico, ici.
Nono : En fait, il n'y a que moi qui soit vraiment capable de trouver des solutions. Je n'ai pas oublié que le premier article de la Constitution de Hôdo m'oblige à respecter toute forme d'intelligence. Et puis, - je dois le reconnaître - si je ne verrais pas d'inconvénient à devenir cannibale pour survivre, vous manger non cuits me paraît vraiment peu appétissant.
Mika : Ton humour est plutôt noir !
Nono : Pourtant, j'insiste : comment cuirions-nous notre repas ?
Mika : C'est vrai, il n'y a pas grand chose dans cette bulle d'X2-plasme. Il s'approche de la surface de la bulle, la tâtonne, les autres l'imitent.
Chico : Étrange sensation ! Cela semble vaporeux et pourtant résistant.
Basta tombe en appuyant sur la paroi comme s'il s'agissait d'un mur de glace.
Basta : En tout cas, cela glisse comme une savonnette !
Mika, après avoir fait le tour de la bulle : Nono ! Normalement un sea-morgh'N est constitué de plusieurs astro-labs et au moins d'un milanaute. Où sommes-nous ?
Nono : A mon avis dans la soute d'un milanaute, à proximité du générateur.
Mika : C'est absurde ! Que nous deux soyons dans un tel endroit, passe ! mais que feraient Chico et Basta ici.
Nono : Je ne sais pas ! En tout cas, cette pièce est vide. Pas
de siège, pas de console, rien que l'on puisse trouver dans un compartiment
du vaisseau. Le seul endroit qui soit logiquement vide est celui à proximité
du générateur d'X2-plasme.(Il pense) . De plus, la sphère de l'X2-plasme
doit nécessairement englober le générateur.
La courbure des parois me fait croire qu'il serait donc en dessous de nous
! Il faut le vérifier. Cherchons une trappe autobloquante. (Les quatre
hommes se mettent à quatre pattes à la recherche de l'une de ces trappes).
Chico, s'approchant de Mika : Curieux Commandant, d'après mes observations, il semblerait que nous soyons les deux personnes le plus atteintes d'amnésie, alors que Nono apparaît comme celui doté de meilleurs souvenirs.
Mika : Normal, il consulte sans cesse son allinone.
Chico : N'empêche…
Mika : Et puis, considérons cela comme une chance pour nous tous. Continuons à chercher cette trappe.
Chico : Et à quoi ressemble-t-elle ?
Mika : Nous pourrions probablement le demander à Nono, mais il nous suffit de trouver une dalle différente des autres.
Chico : Alors dans ce cas, j'ai trouvé.
Mika : Montrez-moi ça ! (Il tâtonne près de l'endroit indiqué par Chico, car la scène est peu éclairée) . Bon sang comment avez-vous fait pour la remarquer, je suis sûr d'être passé ici avant vous.
Chico : Mon doigté de chirurgien, sans doute.
Mika : Nono, Basta, venez ici ! Notre bouche inutile a trouvé la trappe avec ses doigts de fée et sans l'aide d'un allinone.
Chico : Je l'ouvre ?
Mika : C'est à vous que revient cet honneur. Vous savez comment faire ?
Chico : Comme l'ouverture des flacons toxiques, je présume : appuyer et tourner vers la gauche Voilà, c'est fait pour trois d'entre eux, mais le dernier comporte une molette de sécurité, il faut un code
Nono : Normalement, vu nos grades et fonctions, nous devrions le connaître tous les quatre. Mais personnellement je n'arrive pas à m'en souvenir.
Chico et Basta : Moi non plus.
Chico : Commandant ! Et vous ? Faites un effort. Vous devez obligatoirement le retrouver.
Mika : Je ne sais pas. Et vous Nono, ce n'est pas dans votre allinone?
Nono, offusqué : Commandant ! ce n'est pas le genre de chose qu'on écrit partout.
Basta : Et puis, c'est dans vos attributions de Commandant de connaître ce mot de passe, plus que quiconque.
Chico : Laissez-moi vous aider. Je vais vous hypnotiser. (Il étend Mika par terre et utilise son allinone comme source hypnotique) . Relaxez-vous et dites-moi tout ce qui vous vient à l'esprit.
Mika : Rien.
Nono et Basta : Commandant !
Chico : Du calme ! Nous avons encore vingt-trois heures devant nous, et c'est rapide.
Mika : Je ferme les yeux et je ne vois qu'un obélisque.
Chico en aparté avec les deux autres : Il doit s'agir d'un symbole sexuel.
Nono : Quel rapport avec la clé ?
Chico amusé : Je vous laisse deviner, mais ne soyons pas pressé.
Mika : Deux mats
Nono : Un, deux ?
Mika : Un torii
Nono : Trois ?
Mika : Derrière se dresse une colline artificielle. Je suis dedans. Quatre spots m'éblouissent. J'entends une voix. Elle vient de l'intérieur. Votre prime directive : oeuvrer pour le bonheur de l'homme. Un correctif : de l'humanité. J'ouvre les yeux. Des médecins sont autour de moi, ils sont vêtus de kimono fleuri. Fleurs de cerisiers ? Chrysanthèmes ? . Je me lève et sort. Je me retourne et observe la navette - elle semble très vieille - à côté de la porte, je vois un message gravé dans le métal. C'est la constitution des Hôdons signée par le diable en personne. Old Nick ! c'est Lucifer ? Ah j'y suis! Nic, c'est le pseudo de Lucien Porte le fondateur de la colonie de Hôdo. Le maître astronaute. Il m'inculque le métier. J'étudie avec un ordinateur, celui de la cité de la Paix. Jérusalem en hébreu. Je m'introduis dans le Réseau, mes connaissances se développent rapidement. Pourtant le Réseau de Hôdo est beaucoup plus petit que celui de Terra. Il y a beaucoup de manga. Je les préfère aux histoires vraies. Ces dernières m'ennuient, m'écoeurent. Des guerres, toujours des guerres. Rien que des criminels de paix opposés aux criminels de guerres. Tous des criminels jugés par des criminels aux cols et aux mains toujours propres. L'humanité ne connaît qu'une loi : écraser pour dominer. Imposer sa vérité à ceux qui ne la partagent pas. Il faut plus de liberté : on décapite les mauvais penseurs, et on enseigne aux autres ce qu'ils doivent croire. Il manque d'espace ou de ressource : on fait le ménage. Génocide, bombardement, chômage, esclavagisme. J'en ai marre !
Basta : Docteur, il s'agite.
Chico : Chut !
Mika : 1789 ?
Chico : Nono, essaye ce chiffre!
Mika : Foutaise ! Le roi était connu, les rois des finances sont plus discrets, et tellement plus efficaces.
Nono : Ça ne marche pas.
Chico : Ça ne m'étonne pas, tout compte fait…
Mika : Je préfère les manga. Quoique Oh mon Dieu. Cette image ! Le 6 Août 1945 ! Terra entière, dans ses oeuvres n'offre que des stigmates. Vengeance, vengeance ! Le shintô dit : si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle? C'est le pardon qui doit y mettre fin.
Basta : Et non la culpabilité et son cortège de complexes soigneusement entretenus par ceux qui veulent jouir d'une ultime vengeance.
Chico : Tais-toi Basta ! Il ne t'entend pas et tu me déranges.
Nono : Vous n'essayez pas cette date?
Basta : Il n'aurait pas utilisé comme mot de passe, une date noire de souvenirs ensanglantés.
Mika : Pourtant tout espoir n'est pas perdu. Nous vivons bien sur Hôdo, et grâce à Terra dont le haut développement technologique a apporté maintes merveilles. Il y eut de célèbre années comme 1905 qui vit s'effondrer les barrières de nos certitudes et ouvrir les portes de la psyché.
Nono : 1905, ça marche ! la trappe s'ouvre. Vous pouvez réveiller Mika. (Il glisse la trappe, son visage est éclairé par la lumière qui en jaillit) . C'est un regard pour vérifier les flux d'énergie et d'informations. Ne vous approchez pas, sans lunettes protectrices, vous risqueriez de vous brûler les yeux.
Chico : Je peux travailler les yeux fermés. Dites-moi ce que je dois trouver et faire.
Nono : Je n'en sais rien, mais décrivez-moi vous ce que vous sentez !
Chico tâtonne : Désolé, il n'y a pas grand chose ! C'est profond d'une vingtaine de centimètres. Moins ! une rampe électromagnétique entoure la trappe, au fond, il n'y a que quelques cubes, des neuro-flash, un circuit optronique dense et ce qui semble être un boîtier de mesures car je sens des cadrans.
Nono : Il fallait s'en douter ! On ne peut accéder au générateur par une voie latérale, il est blindé et isolé.
Chico dépité : Ah ? On referme alors la trappe.
Mika : Pas la peine ! Nous n'allons pas nous y casser la figure et cela nous donne un peu plus d'éclairage.
Les quatre personnages s'assoient autour de la trappe comme s'il s'agissait d'un feu de camp. Ils sont dépités et réfléchissent.
Basta : Vous aviez bien dit tout à l'heure que Chico et moi n'avions rien à faire ici, en ces lieux ?
Chico : C'est vrai çà ! Ma place est dans le dispensaire. Et lorsque je suis à vos côtés, Commandant, ce n'est normalement que dans les quartiers maîtres. Que ferais-je sans malade ni blessé dans la soute qui jouxte le générateur ?
Basta : Et moi ! Je devrais être pour l'instant au côté des passagers, pour peu que nous en transportions. Sinon avec l'ensemble de l'équipage et non avec vous dans un endroit qui ne requiert pas de mes services.
Mika : Nono ?
Nono : C'est ainsi !
Mika : Alors, j'ai comme une idée que la clé du mystère ce trouve dans cette question : que font Basta et Chico, ici ?
Chico : Puis-je me permettre d'insister ? Et pourquoi Nono semble plus à l'aise que nous ?
Basta : Ferions-nous partie de quelque expérience dont vous connaîtriez le secret, Nono ?
Nono : Si tel est le cas, je n'en suis ni l'auteur, ni un complice. Il est vrai que cette situation m'embarrasse autant que vous. Je dois même reconnaître que moi non plus, je n'ai rien à faire ici. A la différence de vous, je peux travailler n'importe où, mais je dois être en permanence disponible pour aider à trouver des solutions aux divers problèmes qui peuvent survenir pendant le voyage. Donc, si je suis ici, c'est qu'il y avait un problème ici.
Silence.
Basta : Au fait ! qu'est-il devenu du reste du vaisseau.
Nono : Je n'ose guère y penser. Dans le meilleur des cas, il erre dans la périphérie de Jupiter avec un énorme trou béant dans sa coque. Si les systèmes de sécurité ont bien fonctionné les sas de sécurité ont dû isoler la partie endommagée du milanaute. A l'heure qu'il est, les premiers messages de détresses sont émis.
Chico : Mais alors…
Mika : Hé oui ! Chico, pour nous, c'en est fini, dans ce cas ! Quoique… Nous n'avons aucune explication de la présence d'un médecin et d'un sociologue dans la salle des machines ou dans la soute.
Basta : Au moins, chercher une réponse à cela, passera le temps qui nous reste.
Un fantôme traverse la pièce, derrière les quatre personnages méditant silencieusement. Il est vêtu de blanc, mais on n'aperçoit ni les mains gantées de noir ni le visage masqué de noir. Il se déplace lourdement comme les quatre personnages principaux de la pièce. Il s'arrête au milieu de la scène, semble manipuler quelque chose d'invisible sur le mur du fond et s'adresse à quelqu'un.
Fantôme lourd : Vous êtes sûr que c'est indispensable ? On n'entend pas la réponse, le fantôme quitte la scène en disant : Bon, d'accord !
Chico : Vous avez entendu ?
Mika se redresse d'un bond : Oui et vous ?
Nono : je croyais à une hallucination.
Basta : j'ai même vu une ombre.
Chico : Nous ne pouvons pas être fous de la même manière tous ensemble.
Nono : Oui, mais nous sommes tous ensemble dans le miroir d'Alice qu'engendre l'X2-plasme.
Mika tourne en rond autour de trois compagnons toujours assis : Dites-moi, Nono ! Je ne suis pas physicien, mais j'ai cru comprendre qu'on ne savait pas toujours très bien comment çà marchait ce bidule-là. Serait-il possible qu'on soit accidentellement seulement isolé du vaisseau par une espèce de membrane inconnue ?
Chico : Comme une membrane cellulaire !
Nono : Je n'en sais rien !
Basta : Quel rapport avec le fantôme ?
Mika : Une idée folle, mais peut-être, si mon hypothèse n'était pas farfelue, on pourrait imaginer que nous sommes enfermés à l'intérieur d'une sorte d'accident et que les autres nous recherchent.
Nono haussant les épaules : C'est votre rôle de trouver des solutions quand personne n'en a plus. Que voulez-vous que je dise : entre çà et rien, votre espoir présente au moins l'avantage d'en être un.
Basta : Alors, on peut essayer de leur passer un message ?
Nono : Les connexions dans la trappe ! Tout est relié au
Réseau.
Basta : Franchement, je me sens bien inutile ici ! Vous commandez, (il s'adresse à Mika, puis se tournant vers Chico) et vous avec vos doigts d'or vous faites en aveugle ce que Nono vous indique. (Enfin, il termine par Nono) Quant à vous, avouez, quelle mémoire!
Nono : Mémoire, mémoire ! Je vous ai déjà dit que tout se trouve dans mon allinone. Et seulement sur le mien. Pourquoi, je n'en sais rien. Peut-être est-il spécialisé pour un scientifique comme moi…
Mika : Allons, laissez-le en paix ! Vous voyez bien que cette question l'ennuie. Et, puisque dans cet endroit clos il n'est pas possible d'utiliser le droit Hôdon à l'évitement, c'est à vous de ne pas le gêner.
Basta : Je ne faisais que consigner un fait remarquable, Commandant.
Nono : Je ne faisais que rappeler que j'avais déjà répondu à la question, Commandant.
Chico : En tout cas, Commandant, vous ne savez peut-être pas ce que vous commandez mais vous savez commander. Alors que moi, qui suis censé être médecin, je ne connais probablement pas plus d'anatomie que vous car ma mémoire reste désespérément vide. J'en connais peut-être même moins que Nono. En effet, s'il est le scientifique de bord, il a vraissemblablement accès à toutes les données techniques alors que mon allinone est aussi dépouillé que mon cerveau.
Mika : Toutes les données techniques… Mais bien sûr ! Il a accès à toutes les données ! Jamais un allinone ne contiendrait toutes les informations que nous voulons. En permanence, elles nous sont fournies par un ordinateur central. Nous ne sommes donc peut-être pas isolé du reste du vaisseau, puisque l'ordinateur central se trouve en proue et que nous sommes à la poupe ! J'avais raison ! Il y a de l'espoir ! Et ça donne quoi, votre bricolage !
Nono : Une certitude ! Deux allinones en moins !
Chico : Pour ce que çà nous pénalise ! Le Commandant s'en passe, quant au mien, heureusement qu'il était un peu spécial, n'est-ce pas ! Privilège de chirurgien ! Mais je ne m'attendais pas qu'un jour j'utiliserai un bistouri en guise de tournevis. Encore heureux que ce mini allinone ne soit pas muni d'un robot-laser chirurgical, sinon nous n'aurions pas eu cet outils archaïque quoique providentiel.
Basta : Pourquoi ne pas avoir détruit le mien.
Mika : Vous le savez bien, s'il fallait y passer par là, nous l'aurions fait. Mais j'ai l'intuition que le vôtre devait être configuré pour accéder aux communications internes du vaisseau. Après coup, j'en suis même convaincu, s'il s'avère que Nono est réellement relié à la bibliothèque scientifique. En fait, seul Chico et moi n'avons pas besoin de cet engin. Depuis le début, le mien est plus silencieux que ma mémoire. Quant au toubib, il n'a pas de quoi nous soigner si nous tombons malade pendant le laps de temps qui nous restent.
Basta : Et maintenant que fais-je ? J'envoie un SOS ?
Mika : Essayons tout d'abord de savoir si quelqu'un peut nous entendre, si mon hypothèse est correcte…
Basta : A vos ordres, chef ! Mais n'oubliez pas que ce n'est pas ma spécialité. Moi, en tant que neuro-bio-sociologue j'observe les gens et communique en réel, pas en virtuel.
Basta se concentre sur son allinone, les autres continuent à discuter entre eux un peu à l'écart.
Nono : De toute manière je doute que Basta puisse dialoguer avec qui que se soit!
Mika : Et pourquoi donc?
Nono : Si je suis resté connecté en permanence avec l'ordinateur de bord au travers de mon allinone. Je pense que j'aurais déjà décelé des signes de vie.
Mika : Mais, vous n'en cherchiez pas des indices!
Nono : Certes! Pour autant que je sache, une bulle d'X2-plasme nous isole du reste de l'Univers.
Mika : Et si nous n'étions pas dans une bulle d'X2-plasme.
Nono : Impossible, mon allinone dit que…
Mika : … dit ce qu'est l'X2-plasme! Dit-il vraiment, explicitement, que nous sommes dedans?
Basta : Taisez-vous! j'ai peut-être trouvé quelque chose.
Silence.
Basta : C'est étrange. Il n'y a vraiment pas grand monde sur ce vaisseau. On dirait qu'un humain échange des données avec un homoïde.
Chico : Homoïde?
Basta : J'en suis sûr. Sa structure cognitive…
Chico : Un avatar peut-être?
Basta : Non. Les deux entités sont extra-net.
Mika : Votre discussion d'expert m'intéresserait s'il n'y avait pas une certaine urgence. Basta, essaie d'intercepter l'une de ces "entités" extra-n'importe-quoi!
Basta : Facile à dire! A peine vous en ai-je parlé, que tout semble devenu muet.
Mika : Patience, on y arrivera, Basta!
Chico : Pas de trop tout de même, comme vous nous l'avez rappelé, notre temps de survie décroît pendant ce temps. Enfin… (Il se tait, soudain songeur).
Mika : Quelque chose ne va pas?
Chico : Ou va trop bien? J'ai beau être amnésique en médecine, et surtout en anatomie, je trouve fabuleux que nous ne souffrions toujours pas du manque d'oxygène.
Mika : Tant mieux! Peut-être vous êtes vous trompé dans vos estimations.
Chico : Nono, se serait trompé! C'est lui qui a fait les calculs précis.
Mika : Et puis si nous pouvons nous connecté au reste du vaisseau,
peut-être aussi profitons-nous de son oxygène.
Chico : Certes, mais il restera alors le problème de l'eau.
Le trio s'est rapproché de Basta. Tous tournent le dos au fond de la scène ne voyant pas un autre fantôme apparaître. Celui-ci a une démarche normale mais pressée. Il manipule le même objet invisible que le fantôme précédent. En s'en allant rapidement, il bougonne:
fantôme pressé : La prochaine fois on mettra un télécommutateur!
Voix choquée du fantôme lourd : Dans une cage de Faraday!
Mika : Vous avez entendu?
Basta : Cela ne venait pas de la communication, mais de par là (en indiquant le fond de la scène).
Chico : une cage de …
Nono : Faraday.
Chico : Et c'est …?
Nono : Une enceinte opaque aux ondes électromagnétiques. Chaque Milanaute, prévu à l'origine pour la guerre, en avait une.
Mika : Mon vaisseau! un bâtiment de guerre?
Nono : Non, Commandant. J'ai précisé "à l'origine". Maintenant, vous devriez savoir qu'ils servent uniquement de locomotives pour les sea-morgh'N ou de navettes rapides entre les planètes.
Chico : Et à quoi sert cette cage de farfadet?
Nono : Faraday, cage de Faraday. C'est une pièce réservée pour les accès confidentiels afin que personne ne sache ce que vous y faites. Cela sert aussi à protéger des matériels trop sensibles ou des expériences qui requièrent le moins de bruits électromagnétiques possibles. C'est pourquoi on en trouve aussi dans les astro-labs et même les tycho-drômes.
Mika : Et nous aurions une de ces enceintes au dessus du générateur X2-plasmique?
Nono : Je n'y avais pas pensé. En tout cas, cela pourrait bien expliquer nos soucis actuels: une partie de l'X2-plasme à été capturé dans cette pièce. Peut-être voyageons-nous à l'intérieur d'une autre bulle, ou d'un repli qui fait que nous sommes à la fois isolé et solidaire…
Chico : Je vous signale que je n'ai rien pour soigner les maux de têtes.
Nono : Je ne comprends pas.
Chico : Vos explications sont indigestes pour moi!
Nono : Et vos propos incohérents. Quel rapport y a-t-il entre mes explications, la digestion et les migraines?
Chico : Oh, beaucoup plus que vous semblez croire! En tout cas je constate que vous ne savez pas tout. De plus, pour ma part, je préfère l'hypothèse du Commandant. Nous ne sommes peut-être pas enfermé dans une bulle d'X2-plasme.
Nono : Bien! Dans ce cas dites-moi dans quoi nous sommes emprisonné, pourquoi nous y sommes et pourquoi nos mémoires sont défaillantes?
Mika : Et pourquoi tous les quatre… Nous préparions peut-être une réunion secrète. Reste à savoir laquelle. Le vaisseau était-il en danger et devais-je trouver une solution avec vous?
Chico : Avec moi?
Basta : S'il s'agit de problèmes humains, votre présence ainsi que la mienne étaient indispensable.
Mika : J'espère qu'il n'est rien arrivé de fâcheux à l'équipage. Vous m'avez bien dit que vous ne trouviez guère de signes de vie à bord du milanaute.
Basta : Exact! rien qu'un humain et qu'un humanoïde. Mais je n'arrive pas à les contacter. Ils sont devenus muets.
Mika : J'ai besoin de réfléchir.
Il se met à tourner dans la scène. Basta reprend ses tentatives de communication. Nono réfléchit, immobile.
Chico, les observe à tour de rôle puis s'approche de Nono : Dites-moi Nono, vous m'avez bien dit que tout ce que vous saviez venait de votre allinone.
Nono : Bien sûr, je vous le rappelle. Ma fonction de scientifique m'a préparé à ce genre d'activité et je suis apte à trouver rapidement des informations techniques.
Chico : Et en médecine?
Nono : Je n'ai pas essayé: vous êtes ici et c'est votre domaine d'expertise.
Chico : Mais de par vous-même, que savez-vous?
Nono : Que voulez-vous dire?
Chico : Vous avez bien des connaissances, de la culture, des…
Nono : Comme…?
Chico : Savez-vous au moins qui vous êtes exactement. Nono fait un mouvement pour consulter son allinone. Et sans vous servir de ce machin! Donnez-le moi!
Nono : A quel titre?
Chico : Celui de votre médecin. Nono cède son allinone. Et maintenant, dites-moi ce que vous savez de vous.
Nono prononce quelques "Heu…", pendant ce temps, Mika s'approche d'eux par hasard.
Nono geint: Je ne peux même pas consulter mon avatar?
Mika continue à tourner en rond mais en répétant le mot "avatar" comme si celui-ci évoquait un souvenir, une réponse à ses questions.
Chico, répondant à Nono : Ici et maintenant, c'est moi que vous consultez.
Nono : C'est que… il ne me vient pas grand chose à l'esprit.
Chico : Vous êtes scientifique, non?
Nono : Ho, oui, je crois! Par exemple je peux vous donner n'importe quel élément de la table de multiplication, par exemple, 3x8=24.
Chico : Çà aussi je le sais, et je ne suis pas un mathématicien. Allez, essayez de m'épater avec quelque chose que je ne connaisse pas. Comment étiez vous enfant, plus matheux que vos compagnons?
Nono : Heu…
Mika, s'écriant : Avatar, mais oui! Nono, la définition exacte d'un avatar, s'il vous plaît!
Nono, tendant la main vers l'allinone que tient Chico : Puis-je?
Chico : Non! Un petit effort, Nono! Vous vouliez consulter votre avatar, vous devez bien avoir une idée de ce que c'est.
Nono, répondant sans assurance : Mon double informatique?
Mika, s'écriant : C'est çà! Basta, essayez de trouver des avatars!
Basta : Et comment fait-on?
Nono : Je peux montrer?
Mika : Allez-y.
Chico : Non, Commandant! Je suis sûr que Basta, vous ou moi-même devrions trouver et sans l'aide d'un allinone.
Basta : Pourquoi?
Chico : Je ne sais pas. Quelque chose me dit que nous devrions y arriver.
Mika : Nous n'avons pas le temps de vérifier des intuitions. Allez-y Nono!
Nono, prend la place de Basta. Ses trois compagnons se penchent sur
lui, impatients de voir le résultat. Au bout de quelques instants, il
redresse la tête et déclare.
Nono : Je ne trouve pas mon avatar, mais je peux intercepter celui de mon père.
Mika : essayons toujours!
Au bout de quelques instants, l'hologramme de l'avatar du père de Nono apparaît au milieu de la scène.Il ressemble à un fatôme de kabuki.
Père de Nono : Shinren-san pour vous servir.
Nono : Je suis Nono, votre fils.
Père de Nono : Fils? Nono? Ah! Oui…
Mika : Misère! On dirait que les avatars n'ont pas plus de mémoire que nous!
Basta : Les avatars ne sont peut-être que des "résumés" des personnes qu'ils sont censés représenter.
Père de Nono : Vous êtes plusieurs à vouloir vous adresser à moi? Qui êtes-vous?
Nono : Je te présente Mika, notre Commandant, Basta, notre psycosociologue, et Chico, notre médecin.
Chico : Nous avons beaucoup de questions…
Père de Nono : Posez-les!
Chico : Et bien tout d'abord…
Mika, l'interrompt : Voyons, Chico! laissons tout d'abord Nono discuter avec son père.
Père de Nono : J'écoute.
Nono : C'est que… Je suis perplexe!
Mika : A cause de votre père? De nous?
Nono : Non, à cause de Basta.
Basta : Moi? Mais pourqoi?
Nono : Votre définition des avatars: des "résumés". Mika, rendez-moi mon allinone. Je voudrais consulter la définition d'un avatar.
Mika : Prenez-le, si vous ne pouvez pas vivre sans!
Nono, après quelques instants, commente à haute voix : Un avatar, définition 3.2.2, est un répondeur-enrégistreur doté du profil psychologique et physilogique du représenté et qui accède aux données publiables de ce dernier. Puis, s'adressant à son Père, alors dans ce cas pourquoi ne m'avez vous pas reconnu?
Père de Nono : Parce que vous n'êtes pas recensé comme étant mon fils.
Nono : Alors, qui suis-je?
Père de Nono : Je l'ignore.
Basta : Mais qui est-il, qui sommes-nous alors?
Mika : On n'est pas plus avancé…
Nono, d'une voix peu assurée : Alors, je l'éteins?
Mika : Non, pas encore. Ecoutez Sinran-san, si vous êtes un répondeur-enrégistreur, vous êtes chargé de faire suivre de toute urgence notre appel de détresse. Nous sommes prisonniers dans une espèce de trou noir. Faites vite! allez!
Le père de Nono disparaît après un salut japonais.
Chico : Et dire que je voulais lui poser une question… On ne m'a pas laisser le temps.
Mika : On pourrait peut-être tenter à nouveau. Sait-on jamais!
Nono s'apprête à rechecher une nouvelle connexion.
Basta, le poussant : Laissez-moi essayer cette fois!
Après quelques instants de manipulation sur l'allinone, un nouveau personnage apparaît de sexe opposé à Basta.
L'ami(e) de Basta : Ah! c'est toi! qu'en penses-tu de mon avatar?
Basta, balbutiant : Pas mal, mais…
L'ami(e) de Basta : Tu ne vas tout de me pas me dire que j'aurais du changer mon aspect. Je pensais que tu me préfèrerais nature. J'ai même gardé les vêtements de notre dernière… (l'avatar observe autour de lui et voit les trois compagnons) veillée. Tu n'es pas seul?
Basta : C'était quand?
L'ami(e) de Basta : Quand, quoi?
Basta : Notre dernière veillée?
L'ami(e) de Basta : Comment! tu as déjà oublié! Ah oui, c'est vrai. Je te plains!
Basta : Me plaindre, me plaindre de quoi?
L'ami(e) de Basta : Je n'en sais rien. Ma programmation s'arrête là.
Basta : Mais tu étais programmé pour me reconnaître?
L'ami(e) de Basta : Je sais bien que je ne suis pas aussi habile que toi pour créer un avatar. Mais celui-ci, je ne l'ai fais que pour toi, seul. Je me suis dit que cela pouvait te faire plaisir de me savoir à côté de toi, même virtuellement, quand tu te retrouvais loin de Hôdo au cours de tes voyages, et surtout pendant la traversée.
Mika : Voila pourquoi tu nous a parlé d'avatars!
Basta, reprenant avec l'image : J'étais au courant de l'existance de ce programme?
L'ami(e) de Basta : Je n'en sais rien. Mais logiquement, oui. Je doute que tu m'aies contacté si tu ignorais mon existence.
Basta : Tu ne m'as pas dit quand je t'ai quitté.
L'ami(e) de Basta : Il y a trois jours en heure locale.
Basta : Et ou sommes nous?
L'ami(e) de Basta : Je ne sais pas.
Nono : Trois jours! C'est impossible! Même si vous vous étiez quittés sur Terra. C'est trop court pour se retrouver, ici entre Jupiter et le Soleil du milieu.
Mika : Il y a peut-être une erreur dans ton allinone.
Nono : Commandant, voyons! Il ne s'agit pas de ces vulgaires PC du passage de l'an 2000!
Mika : Alors, donnez-moi une explication plausible.
Nono : Cet avatar semble avoit été programmé à la hâte. Il doit être incomplet et ne pas tenir compte de certains paramètres comme ceux de l'inversion spatio-temporelle…
Mika : Mal programmé! Et si votre allinone était mal programmé?
Nono : Impossible, à moins…
Mika : A moins d'un sabotage?
Nono ne répond pas, perplexe.
Basta, s'adressant à l'avatar : Ecoute, je vais te quitter. J'ai beaucoup de choses encore à faire. Merci d'avoir pensé à moi.
Chico, au moment ou l'image disparait : J'avais une question…
Basta, s'adressant à Chico : Tu veux essayer?
Chico : Oui, mais je ne sais comment faire et encore moins qui contacter. Comment as-tu fais?
Basta : J'ai compris comment avait fait Nono. Mais au lieu de faire "Appel au père de Nono", j'ai fais "Appel de Basta pour n'importe quel ami" et ça à marché!
Mika, s'adressant à Nono : C'est vraiment ce que vous avez fait?
Nono : Oui, ça vous étonne?
Mika : Ca m'épate, oui! Il fallait vraiment être scientifique pour trouver quelque chose d'aussi simple!
Nono : Non, tout simplement habitué à manipuler un allinone. Vous ne semblez guère vous en servir, de même que Basta et Chico.
Mika : Ai-je besoin d'un allinone pour réveiller ma mémoire endormie? Que m'apporterait-il? Des souvenirs dont je je ne me souviens pas? Ai-je besoin de ça pour réfléchir, voir ce qui ne tourne pas rond? Vous, avec votre allinone, avez vous remarqué que vous avez demandé votre père, qu'il est apparu et pourtant…
Nono : Mais, alors! Pourquoi ne me reconnaissait-il pas?
Mika : Ah! Une hypothèse?
Nono : Aucune, cette fois-ci, Commandant.
Chico : Et si j'essayais, moi?
Mika : Pourquoi pas! Je ne crois pas que je pourrais comprendre moins que maintenant!
Chico essaye à son tour de faire apparaître un avatar familier.
Frère ou soeur de Chico : Salut, frère!
Chico : Tu me reconnais?
Frère ou soeur de Chico : Je m'attendais à ce que tu me poses cette question. Oui, je te reconnais, Chico, ainsi que Basta, Nono et Mika.
Chico : Peux-tu nous renseigner sur ce qui ce passe ici?
Frère ou soeur de Chico : Non. De plus, j'ai très peu de mémoire disponible.
Chico : Dommage, tu ne pourrais donc pas dire pourquoi nous ne ressentons aucun effet de raréfaction de l'oxygène?
Frère ou soeur de Chico : Non!
Chico : Bon, dans, ce cas, salut!
Frère ou soeur de Chico : salut! au moment où l'image disparait, on entend encore: et courage!
Mika : Alors? Content? puis, sans attendre de réponse, Au fait, c'est quoi cette histoire d'oxygène? C'était çà la question que tu voulais sans cesse poser?
Chico : Laissez-moi me rappeler, Commandant! Un souvenir persistant veut remonter à la surface. Je le sens, mais je ne peux encore le saisir.
Mika : Je vous laisse, alors. Puissiez-vous nous tirer de ce mystère!
Basta : Et pourquoi n'essayez vous pas de joindre un avatar, vous aussi?
Mika : Moi! Pourquoi? Qu'en avez-vous gagné, hein?
Basta : Cela peut vous paraitre stupide, mais moi j'en suis plus que satisfait. Je sais que j'existe pour quelqu'un qui m'attend.
Nono : Et, si on peut considérer cela comme une évolution positive, je dirais que j'ai maintenant des doutes!
Basta : Voyons, Commandant, par trois fois nous avons essayer de joindre un familier. Par trois fois, nous avons eu des expériences différentes,…
Mika : Une quatrième satisferait votre curiosité! Bof! Si vous voulez! Il y a tellement de choses à faire dans ce trou! Il manipule à son tour l'allinone qui servait de relais pour les avatars. Une image très floue d'un vieillard se dessine.
Nic : Salut, astronaute!
Mika : Excusez-moi, je ne vous reconnais pas…
Nic : Astronaute Lucien Porte, Commandant du Livingstone, Chef des pionniers de Hôdo, alias Nic.
Mika : Comment? Mais vous êtes mort!
Nic : Bien sûr, fiston! et ça fait belle lurette! J'aurais dû être archivé depuis longtemps, mais il y a toujours quelqu'un pour s'y opposer! La preuve: me voici!
Mika : Pouvez-vous me dire pourquoi vous avez répondu à mon appel, et précisément vous, Commandant.
Nic : Commandant, Commandant! Nic, suffit, je ne suis plus commandant de rien, surtout depuis que je suis mort. Bon! et pour répondre à votre question, je croyais avoir été clair: c'est vous qui m'avez appelé.
Mika : Comment?
Nic : Vous l'avez programmé. Je savais que je devais m'activer dès l'émission d'un message dans le style "Mika cherche quelqu'un".
Mika : Aurais-je prévu que je vous appelerais?
Nic : Oulala, mon pauvre! Ce n'est pas avec la quantité de mémoire que vous m'avez allouée que je serais capable de répondre à toutes vos questions métaphysiques! J'en ai juste assez pour me rappeler de diverses procédures d'urgence, de la charte de Hôdo et de quelques mots de passe.
Mika : Rien au sujet de moi, de ma mission?
Nic : Si peu!
Mika : Mais encore!
Nic : Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Vous vous en tirerez, comme tous ceux qui vous ont précédé.
Mika: Merci!
Nic : Y'a pas d'quoi, fiston! (L'image s'efface, la scène s'éteind) .
Nono est assis en zazen. Son allinone est posé par terre à côté de lui. Par contre, Basta s'acharne à trouver de nouveaux contacts. Mika et Chico déambulent, méditatifs.
Mika, au moment où il croise Chico : Regardez ces deux-là! Nono sans son allinone et Basta qui n'arrive plus à s'en défaire.
Chico : Je pense que Nono se relaxe.
Mika : Ah?
Chico : En tout cas, il a l'air parfaitement détendu. Et vous, comment vous sentez-vous?
Mika : Bien!
Chico : C'est bien ce qui me surprend!
Mika : Pourquoi? Ce qui me préoccupe normalement le plus est de mener à bon terme un voyage. Ma mission première, est d'assurer que les passagers arriveront non seulement bien vivant à destination, mais même avec le meilleur confort possible. Or, à force de me poser la question de savoir pourquoi nous nous trouvons enfermé ici tous les quatre, et en constatant que les informations de Nono ne sont peut-être pas aussi fiables que je me l'imaginais, j'ai peut-être une hypothèse rassurante. Jamais, au grand jamais, j'aurais abandonné mon poste pour laisser mon équipage en péril. En tout cas, jamais je me serais dirigé ici lors de l'entrée dans le mirroir d'Alice. En fait, nous sommes probablement dans un vaisseau cargo. Vous êtes mes seuls passagers et en qualité d'astronautes je vous fait visiter les lieux. Mais un incident c'est produit. J'ignore lequel. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il n'y a que nous quatre en vie. Si je me sens obligé aussi vis-à-vis d'autres astronautes, je ne me sens plus coupable. Sans vouloir vous offenser, pour nous, ce sont les risques du métier.
Chico : Ah, si pouvais en dire autant que vous!
Mika : Qu'est-ce qui vous tracasse?
Chico : L'oxygène!
Mika : Nous avons encore du temps, selon Nono.
Chico : En absolu, oui. Mais il doit se raréfier, et cela, nous devrions le ressentir déjà maintenant.
Mika : Serait-ce pour cette raison que Nono médite?
Chico : Non, je ne le pense pas. D'ailleurs il serait trop tard. Nous devrions nous sentir tous plus fatigué. Ce n'est pas le cas.
Mika : Une autre erreur de Nono?
Chico : Non, moi aussi j'avais fait les mêmes estimations. Quant aux erreurs de Nono, cela non plus n'est pas normal. Vous rappelez-vous ce que je vous disais lorsque nous avons mystérieusement émergés ici, sans mémoire. J'avais l'impression que nous étions enfermés dans un tube à essai.
Mika : On s'est dit tant de choses en cette journée…
Chico : Un tube à essai! un labyrinthe pour rats, plutôt.
Mika : Où voyez-vous un dédale, ici?
Chico : Les dés sont pipés. C'est pourquoi Nono s'est trompé, c'est pourquoi nous ne contactons que des avatars, c'est pourquoi nous respirons normalement, sans souffrir de chaleur, de froid, de soif, sans avoir envie de nous rendre aux toilettes. Les dés sont pipés: c'est un labyrhinte "psychique" où nos sens plus que l'informatique sont trompés.
Mika : Vous ne pensez pas que c'est du délire. Pourquoi une telle expérience?
Chico : Pourquoi dans mon amnésie, de toute mes connaissances médicales, seules subsistent l'image du test émotionnel et l'obsession de l'oxygène.
Mika : Qu'en sais-je moi?
Chico : Quel est votre obsession? Nous maintenir en vie, n'est-ce pas. Et que croyez-vous que soit la mienne?
Mika : La même chose je présume.
Chico : Exact. Mais pourquoi seulement l'oxygène? Et j'ai mon idée, la dessus. Si nous sommes réellement plongés dans un test émotionnel, nous avons sûrement mémorisé le motif pour lequel nous devions passer cette épreuve. Pour vous, c'est commander un vaisseau plein de passagers, et pour moi, plein de passager en léthargie.
Mika : Vous avez l'imagination fertile! Pourquoi en léthargie?
Chico : L'oxygène serait la seule chose qu'il faudrait leur assurer. Bien sûr, il ne s'agit là que d'une hypothèse.
Mika : Et Basta, et Nono, dans votre théorie.
Chico : Basta n'a besoin que de sa générosité pour rassurer, il n'a donc besoin de rien pour pénétrer ce monde fictif. Quant à Nono, il a du vouloir tricher et emporter un allinone bourré d'informations utiles… mais quelqu'un, l'expérimentateur, a du lui traffiquer son appareil.
Mika : J'admets que ça se tient. Mais je n'en suis pour autant convaicu.
Chico : Pourtant, vous me croyez quand je vous prédis que notre atmosphère ne nous permettait de survivre vingt-quatre heures au plus. Il ne nous reste plus beaucoup de temps et pourtant je suis persuadé que vous feriez des pompes sans problèmes. Me croyez-vous encore sur ce point.
Mika : Il me semble en effet. N'importe quel sport, d'ailleurs. Tiens! je vais même me moquer de la mort. Je vais vous interpréter une danse mouvementée. Je vous préviens je ne suis pas expert en la matière, soyez indulgent.
Mika danse un twist des années 1950. Il se tortille sans pratiquement décoller les pieds du sol: il ne faut pas oubler son poids!
Il n'y a pas d'accompagnement musical volontairement pour entendre le moindre bruit anormal.
Chico, l'arrête après quelques contorsions, même pas essoufflé : A en juger vos exploits, j'ai l'impression qu'on ne vous a pas souvent félicité d'être un bon cavalier!
Mika : Je vous avais prévenu!
Chico : Si c'était pour faire le pitre, vous auriez pu choisir quelque chose de plus fatigant.
Mika : Si je savais comment faire, j'aurais essayé de rapper, faire le cosaque, ou tout autre chose de compliqué, mais… et vous. Allons! ne soyez pas timide! Personne ne nous voit et tant qu'à faire, mourrons, sinon dignement, joyeusement.
Chico réfléchit. Puis, il se met à danser comme une ballerine qui
se voudrait légère comme un papillon. Il saute plusieurs fois et chaque fois
il touche TRES bruyemment le sol lorsqu'il retombe sur ses
pointes. Il s'arrête perplexe.
Cette anomalie n'était pas remarquée avec Mika qui ne décollait pas les pieds
du plancher
Mika : Pas mal, quoique… Il me semble que ce fut un peu lourd.
Chico : Lourd! à combien de g sommes nous?
Mika : A vue de nez, quatre.
Chico : Quatre! Une journée à quatre g! Commandant, nous serions déjà morts épuisés!
Mika : Une minute! C'est vrai ce que vous dites! Jamais je ne voguerais avec une telle accélération de croisière. Tout le monde serait mort à l'arrivée.
Basta, s'écrie soudain : Cà y est je l'ai trouvé. Je le savais.
Nono : Plus un mot!
Basta sursaute et interroge du regard Nono qui vient de s'éveiller, Mika et Chico regardent surpris les deux autres.
Nono : Laissez-moi vous dire ce que vous avez trouvé. Vous avez formulé des dizaines de requêtes différentes, toutes pour trouver un signe de vie. Votre dernier critère de recherche a été inspiré de ce que vous entendiez de la conversation de Mika et Chico. Et vous avez trouvé non pas un, mais deux expérimentateurs sur notre réseau local.
Basta : Comment savez-vous?
Nono, s'empresant de parler pour ne pas être interrompu : Ce n'est pas tout! Quand j'entendais la conversation au sujet du manque d'oxygène, je me suis prêté moi-même à une contre-expérience. Vous vouliez voir que vous ne manquiez pas d'air, n'est-ce pas. Vous vouliez donc en consommer plus pour observer les résultats. Moi, j'ai tout simplement cessé de respirer.
Chico : Ralentir la respiration! Une technique de méditation?
Basta : Ou vous êtes télépathe, ou vous êtes doué en déduction!
Mika : Je pense, Nono, que vous nous devez des explications! Je n'y comprends plus rien!
Nono : Je commence par quoi?
Basta et Chico parlent en même temps.
Basta : Comment saviez-vous ce que je faisais? Vous n'étiez me pas à côté de moi!
Chico : Vous ne respiriez pas? des détails, que voulez vous nous faire savoir?
Mika : Racontez-nous comme vous l'entendez! Nous vous écoutons.
Nono : Avant, je confirmerai ce que disais Chico quant à nos obsessions de rendre services. Imbu de mes compétences de chef scientifique j'étais convaincu que je devais apporter en permanence des réponses précises à toutes vos questions pour vous aider à résoudre les problèmes.
Basta : Puis-je me permettre d'ajouter une information?
Nono : Je vous en prie.
Basta : Moi aussi, j'ai suivi une obsession. Je ne m'en suis rendu compte que lorsque vous l'aviez formulée. Mon travail consiste à assurer que les membres d'une communauté, quelqu'en soit l'échelle, cohabitent en bonne intelligence. Entre nous quatre, il n'y avait pas de problème à priori, hormis notre amnésie et notre survie réduite. Mais comme le disait le Commandant, d'autres personnes pouvaient avoir besoin de nous et de mes services au delà de cette prison. Il fallait donc que je les trouve. De plus, si je découvrais un tel contact, l'entraide pouvait peut-être aussi nous sauver. Vous pouvez continuer Nono, je suis impatient de connaître la suite.
Nono : Lorsque je me suis rendu à l'évidence que mon matériel ne
m'était d'aucune utilité, j'ai essayé de trouver des solutions par moi-même.
Malheureusement, j'étais devenu aussi incompétent dans mon domaine que
Chico dans le sien. Pire, je ne pouvais chasser de mon esprit que mon père
ne me reconnaissait pas, ce qui m'empêchais de me concentrer.
Peut-être, essayais-je de me rassurer, tout compte fait, n'était-ce là
qu'une autre "erreur" informatique. A moins qu'il ne s'agissait pas de
mon père. Pourquoi pas, puisque le Commandant, lui, a réveillé l'archive
de l'avatar du Commandant Nic.
Basta : Et tout le monde a pu constater combien Mika était imprégné de ce personnage qui fut à l'origine de la colonie de Hôdo.
Mika : C'est vrai, pour moi, c'est un exemple à suivre.
Nono : Et si, Shinren, était mon modèle? Or curieusement, malgré mon amnésie, je sais que c'est le nom d'un grand maître du bouddhisme. Je n'en sais pas grand chose, sauf qu'il faut pouvoir plonger à l'intérieur de son âme pour trouver la vérité. Avouez qu'il y a là quelque chose de troublant sans rapport, a priori, avec l'esprit scientifique.
Mika : C'est pourquoi vous étiez en train de méditer?
Nono : D'essayer. Je n'y connais rien. J'essayais tout simplement d'observer mes pensées.
Basta : En fait, vous pratiquiez l'introspection.
Nono : Appelez çà comme vous voulez. En tout cas, j'essayais d'observer mes pensée sans intervenir dans leur déroullement. Lorsque soudain, je me suis rendu compte que plusieurs types de voix parlaient dans mon cerveau. C'est difficile à expliquer. C'est un peu comme si je me parlais à moi-même en jouant plusieurs rôles.
Chico : Intéressant! Combien de voix entendiez-vous?
Nono : Au début, deux. Puis il y eu une autre. Celle-là, ce n'était pas moi dans un nouveu rôle. D'ailleurs je ne comprenais rien à ce qu'elle disait. C'était comme quelqu'un qui articulait mal, très profondément enfoui dans ma pensée. Mais, peu à peu, j'arrivais à discerner des brides de phrases, et c'était… (Nono, s'interrompt un peu, se doutant que ce qu'il va dire est troublant) …Vous, Basta.
Basta : Moi! Pourquoi?
Nono : Oui, vous. Mais pas tout à fait.
Mika : Expliquez-vous. Nous ne jugerons pas votre folie. Au seuil de la mort, que savons-nous en réalité?
Nono : Ce n'était pas vraiment Basta que j'entendais, mais les ordres qu'il passait sur son allinone.
Chico : Vous seriez télépathe?
Nono : Télépathe! Avec qui, et surtout avec quoi? Ce n'était pas vraiment Basta, c'était son allinone.
Chico : Télépathe avec son allinone!
Nono : Exact. Je fus si troublé que je me déconcentrai. La méditaion
fut interrompue au moment ou vous faisiez part de vos réflexion sur l'oxygène.
C'est précisément à cet instant que je décidai de retenir ma respiration.
Chose étrange, cela ne m'incommodait pas. Je pus ainsi rapidement revenir
à mon état antérieur de méditation.
Cette fois-là, je vous entendais clairement. Et j'entendis la réponse de
l'allinone avant même que vous n'exultiez de joie.
Basta : Extraordinaire!
Nono : C'est pourquoi je vous ai sommé de vous taire. Pour le prouver. J'ai peut-être perdu toutes mes connaissances, mais pas l'esprit d'un scientifique.
Mika : Merveilleux! Pourriez-vous vous remmettre en état de transe et nous dire ce que mijottent ces deux expérimentateurs?
Nono : Pas la peine. J'entends maintenant clairement leurs communications, sans méditer.
Mika : Et?
Nono : Je perçois très bien l'un deux. L'autre, qui semble être le chef, me pose plus de problèmes. Mais je devine ses idées par l'intermédiaire de ses commandes informatiques et des commentaires qu'il communique avec son assistant.
Chico : Et que se racontent-ils?
Nono : L'expérience, l'initiation devrais-je dire, est finie.
La pièce s'illumine laissant voir les murs d'une pièce rectangulaire, sur lesquels courent de nombreux cables relié çà et là par des boitiers et des commutateurs. Les deux fantômes qui étaient apparus plus tôt entrent dans la pièce.
Fantôme pressé : Bravo! Je vous félicite! Vous avez traversé l'épreuve avec brio. Ce fut une expérience très enrichissante pour nous tous.
Fantôme lourd : Je suis fier de vous.
Mika : Merci pour vos acclamations. Mais, pourrions-nous savoir ce qui se passe en réalité.
Nono : Et pourquoi je suis devenu soudain télépathe?
Fantôme lourd : Vous allez bientôt comprendre. Attendez un peu que votre mémoire revienne.
Fantôme pressé : De ce que nous savons, cela ne saurait tarder.
Chico : En effet. Et je comprends maintenant pourquoi en entammant cette expérience, je n'avais pas besoin de mes connaissances médicales et surtout pas d'anatomie. Mais, dites-moi Moka, celà se passe vraiment comme çà.
Mika : Heureusement, non. Je dispose toujours du cerveau du vaisseau comme aide mémoire lors de mes voyages entre Terra et Hôdo. Et c'est plus fiable que l'allinone de Nono.
Nono : Mais il est toujours prudent de prévoir le pire.
Fantôme lourd : Cet exact. Mais nous avons fait des progrès depuis. Les premières expériences furent très douloureuses.
Fantome pressé : Il a fallu que nous nous en préoccupions pour vous aider. Nous avions compris que vous craigniez autant le néant que nous mais nous avons une plus grande expérience que vous dans ce domaine, si je puis dire.
Basta : Oui, je sais combien l'Homme redoute la mort.
Chico : Vous ne pourriez le savoir autant que moi, Basta, je le crains, car j'ai été plus d'une fois à son chevet.
Fantôme lourd : Sachant ce que cela représente pour les humains, il était intéressant de savoir ce que celà signifiait sur nous. L'existance de notre âme, pour parler comme eux, est un mystère qui nous intrigue. Que sommes-nous en réalité?
Fantome pressé : Peut-être devrions nous nous poser plus souvent la question, nous aussi.
Mika : Je ne m'attendais pas à ce genre de préoccupation lorsque je me suis porté volontaire pour l'expérience.
Nono : Ne devions-nous pas montrer comment on se débrouillait dans des situations extrêmes, et surtout une panne de notre cortex.
Fantôme lourd : C'était bien le but, mais vous avez montré plus. Vous n'aviez pas perdu au court de votre amnésie l'essence de vos personnalités.
Fantome pressé : J'ai aussi apprécié votre débrouillardise. Et vous m'avez bien surpris, Nono. Je ne croyais pas que vous vous en tireriez si bien, après que j'aie trafiqué l'allinone que vous aviez dopé. Franchement, l'idée de faire appel a des avatars était un bon truc.
Nono : Le mérite en revient à Basta. C'est lui qui nous a suggéré, pendant notre préparation, de créer des contacts privilégiés, affectifs, avec des échantillons d'avatars qui nous fourniraient une piste, mince, il est vrai, mais peut-être suffisante pour nous aider. Si, dépouillé de tout savoir, toute culture, il ne nous restait que notre personnalité profonde, notre âme et nos sentiments, un indice adéquat pouvait nous être indispensable à retrouver notre identité. Et quoi de plus banal qu'un avatar mémorisé dans allinone.
Fantome pressé : Une question: pourquoi Shinren? Je comprends le choix de Mika, qui a réveillé l'archive du fondateur de Hôdo, un Commandant exemplaire pour beaucoup d'astronautes, celui de Basta si proche des homo sapiens et de Chico qui voulais s'assurer un point de repère. Mais vous?
Nono : Mes tuteurs sont Japonais, ils m'en avaient parlé, et je ne crois pas que la recherche de l'âme soit un thème refusé, sinon à la science, du moins au scientifique.
Fantôme lourd : En tout cas, ce fut une curiosité très intéressante. Capter les transmissions radio et infra-rouge de l'allinone est un exploit. En général, ces signaux sont trop faibles et couverts par le bruit de notre cerveau.
Chico : Celà à été encore plus surprenant pour nous, car je ne sais pourquoi, mais nous ignorions tous que nous étions des andoïdes.
Basta : Jusqu'à la derniere minute nous croyons être des homo sapiens.
Mika : Je dirais même, humains tout court, car j'ignorais l'existence des deux espèces. Et vous aviez deviné, Nono, qu'il s'agissait d'une expérience double?
Nono : Non, j'avais envisagé une fin plus tragique. Le risque zéro n'existe pas.
Fantôme pressé : Nono! vous ne pensez tout de me pas qu'on vous aurait sacrifié?
Fantome lourd : Ce n'est pas ce qu'il a pensé. Il a simplement prévu le pire que personne n'osait exprimé.
Mika : Vous semblez satisfait de l'expérience, qu'en concluez-vous maintenant?
Fantôme lourd : Nous pourrons maintenant mieux nous préparer à l'amnésie. Vous savez que le cerveau cognitif est notre point faible. Vous et les autres voyageurs le savez bien, vous vous êtes toujours débrouillés de manière empirique, mais nous n'avions jamais pu l'observer scientifiquement.
Fantome pressé : D'ailleurs, nous avions déjà eu quelque soucis pendant l'expérience. Etant humain, je ne souffre pas de votre mal, mais mon collègue androïde, oui, or il devait rester "conscient" pendant toute l'expérience.
Nono : C'était donc vous les fantômes que nous avions aperçu. Quelques réglages de toute urgence je présume…
Mika : Et bien, si tout est bien terminé, je crois que nous pouvons nous retirer.
Les acteurs se retirent tout en dialoguant sauf le fantôme pressé qui reste sur place.
Chico : J'espère que je n'ai pas manqué à mes obligations pendant tout ce temps.
Fantôme lourd : Ho, non! Chico. Le service des urgences n'a pas été débordé pendant votre absence.
Fantome pressé : En fait, la seule personne malade de votre absence, est votre amie Basta.
Basta : Mon amie? Malade? Par ma faute! Il faut vite voir ce qui ce passe! Venez Chico!
Fantome pressé : Du calme! Chico, ne peut rien pour cette maladie.
Chico : Et pourquoi, donc?
Mika : Basta, je croyais que vous connaissiez mieux l'humain que nous tous ici présent. Serait-ce que l'affection que vous ressentez pour cette personne vous rende "amnésique" au point de ne plus distinguer les nuances de vocabulaire fréquemment en usage chez les hommes organiques?
Chico : Ha! il s'agissait de maladie d'amour…
Basta : Je suis confus!
Nono : En tout cas, un sujet scientifique très intéressant, n'est-ce pas Chico.
Mika : Une nouvelle expérience! Cette fois-ci je ne me porte pas volontaire
Fantôme pressé : Avant de nous quitter je tiens à vous remercier.
Un à un les quatre personnages principaux reviennent sur leur pas.
Mika : Nous remercier? C'est l'inverse! C'est vous qui nous aidez à lutter contre notre lourd handicap.
Fantôme pressé : Il ne s'agit pas de cela. Il s'agit de votre comportement "primitif". Il était dénué d'agressivité. Pourtant, Nono n'est pas ce que l'on pourrait appeler un diplomate. Chez des humains, il aurait probablement vite fait grimper la tension.
Chico : C'est vous les humains qui nous avez créés ainsi, sur ce plan, le règne synthétique s'apparente au végétal.
Nono : De peur que nous ne devenions un danger pour vous.
Fantôme pressé : Et pourtant, vous êtes si humains. Votre handicap, à vous, c'est l'amnésie car vous dépendez d'une structure lourde et couteuse en énergie. Notre handicap, c'est l'agressivité. Nous sommes si habile à détruire, et plus encore à nous couvrir de bons arguments, bien pensant, politiquement correct que certains savent si bien nous inculquer.
Mika : Vous savez bien que les êtres animaux ont besoin de cette énergie pour être autonome.
Fantôme Pressé : Je ne le nie pas! Je regrette seulement que l'on n'ait pas le courrage de regarder en face qui nous sommes, comme vous venez de le faire. Nous nous voilons l'agressivité comme jadis le sexe tabou. Nous nous retranchions derrière de saintes icônes de virginité, même mère, et nous contemplions, adorateurs, de divins suppliciés, de saints martyrs et d'infidèles justement châtiés. Dieu est mort, vive le Roi! Aux nom des terres et des Lois, combien de peuples ont été écrasés! Le Roi est mort, vive la République! Au noms des Droits, combien de population avons nous anesthésié et acheté sous peine de juste châtiement.
Basta : Votre agressivité n'est pas plus une tare que notre amnésie.
Fantôme pressé : Si, c'est une tare, tant que nous refusons de voir qu'il n'y a pas que le sexe qui nous mène par le bout du nez. C'est une tare, tant que nous refusons de voir la réalité car il y aura toujours des tyrans pour exploiter cette source à notre insu. Et si les tyrans se reconnaissent aisément, les démagogues, eux, nous font de grands sourires derrière leur écrans, nous récompense pour notre pain quotidien dure à produire et facile à consommer. Parfois, ces maîtres, que dis-je, ces moules à penser ne se voient même pas du tout dans la foule, tant nous ne sommes que de simples fourmis dans une foumilière.
Nono : En fait, vous cachez la vipère sous l'oreiller pour mieux dormir en paix.
Fantôme pressé : C'est que nous aussi, nous sommes amnésiques.
Basta : Alors, foi de Basta, je vous promets que je me chargerai de vous le rappeler.