Conscience

 

Un article de Livingstone.

Dans l’étude de l’intelligence, ce qu’il y a de particulièrement fascinant, c’est la conscience et le moi qui lui est accolé.

Des modèles sans doute inspirés de la mécanique statistique et de la cybernétique expliqueront probablement l’installation de flux de pensées conduisant à l’apprentissage et aux décisions et finirait par nous faire comprendre que nous serions des robots « organiques » plus complexes que les « vrais » robots qui « voient » l’obstacle et le contournent, qui reconnaissent et situent l’objet à manipuler, etc. Pour les « vrais » robots, la conscience est une fonction inutile : l’accumulation de faits, même incommensurables, et donc extrapolés, est finalement déterministe. Le programme de calcul aléatoire qui lève parfois les absences de solution éligible est lui même déterministe. Autrement dit, un robot agit d’une certaine manière parce qu’il n’a pas le choix. Or la conscience semble nous donner la possibilité de choisir. Et choisir implique a priori d’être libre au moins d’une « partie » du déterminisme, sinon cette conscience ne servirait à rien.

Mais, dans ce cas, on est aussi en droit de se poser la question « pourquoi avoir conscience d’avoir conscience ? » Est-ce une interface vers un degré de « liberté » qui nous échappe ?

Du point de vue de la physique, une particule (au sens large du terme) n’appartient à aucune association. L’usure et l’évaporation en sont deux manifestations, la simple agitation thermique suffit à leur donner des envies d’aller voir ailleurs. Alors, comment expliquer la notion du «moi» si aucune particule de notre être ne nous appartient ? Peut-être pour maintenir une cohérence globale d’une entité, l’être que nous sommes ? Et quel est le rôle de cette identité individuelle au niveau d’une société ? En quoi sommes-nous, nous, individus membres d’un ou plusieurs groupes, différents de la société des neurones qui constituent notre identité, ou des particules qui fabriquent nos neurones ?

Et moi qui es-tu? qu'es-tu?

Il y a peut-être une évolution en couches de plus en plus intelligentes, avec à chaque couche un «moi» adapté à ce niveau.

Il n’y a pas de pensée a priori au niveau de la chimie, il y a déjà un début d’intelligence au niveau de chaque être vivant, à commencer par les êtres unicellulaires qui se sont organisés pour en créer de plus complexes. Et finalement, ces êtres, eux même se rassemblent pour créer des sociétés à intelligence collectives. Si, tel que je le crois, l’un des buts de l’existence est d’organiser de plus en plus cette intelligence, alors, la « Société » est une étape dans l’évolution et nous en sommes à la fois les acteurs et les spectateurs. «Fascinant !», comme qui dirait.

Il reste néanmoins le questionnement sur ce « moi » insaisissable. Ce pilote dans l’avion, que l’on imagine quelque part en « haut » à son poste dans notre petite boîte crânienne, et que l’on voudrait bien trouver caché sous un neurone pour se rassurer. Se rassurer de quoi d’ailleurs ? Que tout « cela » ne soit pas en vain ? Ce moi sans lequel aucune religion n’aurait de sens. Ce « moi » qui peut descendre dans la rue pour dire qu’il est « moi » face à ces « ego » qui se croient la pensée de tout un peuple, car il se refuse d’être esclave, ouvrier ou soldat, au seul service d’un roi, fut-il élu ou éclairé par un dieu? Ce « moi » qui se battra pour survivre, seul ou au travers d’autres « moi ». Ce même « moi » qui peut empoisonner, voire éteindre, d’autres « moi », alors qu’il ne sait même ce qu’il est et donc ce qu’il lui faut fondamentalement pour être ? Ce « moi » capable de se mentir à lui-même en s’inventant des valeurs certaines et certifiées qui justifient son insatiable envie de dominer ?

Ce moi prétentieux m’interpelle souvent. S’il regardait sa place dans l’Univers, peut-être acquerrait-il plus d’humilité, brûlant moins d’énergie à regarder son nombril pour mieux s’engager à chercher plus de synergie pour créer ce futur que le présent grignote à chaque seconde sans nous attendre.
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