Humains
Un article de Livingstone.
Remue-méninges hôdons
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Les deux ouvrages les plus célèbres qui reconstituent cette guerre sont, côté français, celui de Roland Dorgelès (1885-1973.): "les croix de bois" écrit en 1919, et, côté allemand,"A l'ouest rien de nouveau", écrit en 1929 par Erch Maria Remarque (1888- 1970).
De ces deux ouvrages aussi poignants et terrifiants dans le réalisme, le souvenir de ce passage de l'oeuvre de Remarque est resté inscrit dans ma mémoire pour le message de fraternité qu'il transmet,en dépit de l'horreur que fut ce charnier humain.
Alors qu'il rampe dans l'obscurité, sous le feu des mitrailles et l'éclat des obus, le soldat allemand finit par se protéger dans un trou d'obus, mais un autre soldat errant dans la même obscurité arrive lui aussi dans ce trou. C'est un soldat français. Le face à face n'est pas long.
L'Allemand est plus rapide et poignarde profondément le soldat français... C'est alors que, à côté du jeune français mortellement atteint, le jeune allemand réalise que celui-ci est quelqu'un qui est, comme lui, un pauvre soldat qui aurait préféré vivre dans la paix, plutôt que mourir à la guerre:
Ses yeux s'ouvrent encore une fois et de nouveau il y a en eux une expression de terreur insensée et comme des cris, de sorte que je suis obligé de les refermer et de murmurer : « Mais je veux te secourir, camarade. » Et j'ajoute, maintenant, en français : « Camarade... Camarade... »…Le silence se prolonge. Je parle, il faut que je parle….C’est pourquoi je m'adresse à lui, en lui disant :«Camarade, je ne voulais pas te tuer. Si, encore une fois, tu sautais dans ce trou, je ne le ferais plus, à condition que toi aussi tu sois raisonnable. Mais d'abord, tu n'as été pour moi qu'une idée, une combinaison née dans mon cerveau et qui a suscité une résolution ; c'est cette combinaison que j'ai poignardée. À présent, je m'aperçois pour la première fois que tu es un homme comme moi. J'ai pensé à tes grenades, à ta baïonnette et à tes armes ; maintenant, c'est ta famille que je vois, ainsi que ton visage et ce qu'il y a en nous de commun. Pardonne-moi, camarade. Nous voyons les choses toujours trop tard. Pourquoi ne nous dit-on pas sans cesse que vous êtes, vous aussi, de pauvres chiens comme nous, que vos mères se tourmentent comme les nôtres et que nous avons tous la même peur de la mort, la même façon de mourir et les mêmes souffrances ? Pardonne-moi, camarade ; comment as-tu pu être mon ennemi ? Si nous jetions ces armes et cet uniforme tu pourrais être mon frère. Prends vingt ans de ma vie, camarade, et lève-toi... Prends-en davantage, car je ne sais pas ce que, désormais, j'en ferai encore. »