Qui suis-je?
Un article de Livingstone.
Pourquoi une autobiographie ? Pour mieux « vendre » mes romans... je doute qu’une goutte ajoutée à une autre ne change la moindre vaguelette de l’Océan. Alors pour mieux vendre mes « idées » politiques ? Pourquoi pas ? Je ne veux pas justifier quoi que ce soit : ce n’est pas mon tempérament, ce n’est pas l’attitude d’un chercheur, et j’assume ce que j’ai vécu et choisi, sans fierté, sans honte, car c’est la vie qui m’a façonné et je lui ai répondu en être doté d’une intelligence. C’est peut-être ça, le véritable message que je veux laisser derrière moi. La vie ne m’a pas tout donné, et je me suis adapté à ce qu’elle m’a accordé, et je crois en avoir appris plus ainsi, en avoir mérité plus, aussi. Alors, sous cet angle, je laisse ce flambeau sur la route espérant qu’il éclaire d’autres voyageurs. Un adieu ? Tout a une fin et il vaut mieux profiter de la santé tant qu’on peut se battre pour être plus qu’une simple poussière d’étoiles avant de disparaitre dans la Création. J’abandonne donc cette veilleuse sur la route non pour regarder vers le passé, mais pour ceux qui regardent vers le futur et cherchent des expériences à comparer pour les aider dans leur choix, dans leurs espoirs.
D’après mes parents, je suis né avenue de l’Observatoire à Uccle, une commune de Bruxelles. Est-ce pour cette raison que j’ai été attiré par l’espace, l’univers et sa compréhension ? Sûrement pas, mais le hasard est parfois si amusant.
À ma naissance, mes parents décidèrent de migrer. Le Canada les attirait, mais le Congo (RDC) offrait des postes d’assistance technique. Les compétences en photographie de mon père convenaient pour le ministère de l'information, mais au bout de quelques années, il quitta cette fonction et s’installa à son compte à Élisabethville (Lubumbashi). C’est là que je vécus toute mon enfance et mon adolescence, sans jamais rentrer ne fusse qu’une seule journée en Europe, sauf pendant une brève période de guerre, qui fut pour moi l’occasion de découvrir ma terre natale, une « patrie » dans laquelle je ne me reconnaissais pas. Jusqu’alors, la neige, les quatre saisons, n’avaient aucune signification pour moi qui grelottait dès que la température tombait à 21 °C.
J’ai su ce que c’était d’idéaliser la terre natale de ses parents, et sur ce point, je comprends tous les descendants des premières générations des migrants. On leur a tant ressassé un paradis perdu qu’ils se sentent souvent écartelés entre une réalité et un rêve, jusqu’au jour où ils découvrent que le rêve n’est pas, n’est plus, qu’il y a deux réalités, et qu’il faut choisir l’une pour vivre sans nier les racines de l’autre.
Le rêve de mon père, et son art, était la peinture. Mais il n’émergea pas. Et comme il fallait faire bouillir la marmite, il vivait de la photographie, son métier, dans lequel il excellait, jusqu’au jour où son ophtalmologue lui conseilla fortement de s’orienter vers autre chose s’il ne voulait pas perdre la vue. Il devint donc gérant de cinéma, un cinéma qui eut ses aventures aussi. Ce dernier servit de refuge pour un régiment belge « oublié » par le gouvernement le jour de l’indépendance, puis plus tard, il devint une base de repli au centre-ville et la cantine de l’ONU lors de la guerre du Katanga (Shaba).Pendant cette période de troubles, je découvris et la Belgique et la guerre, cette dernière vue de dedans et vue de dehors. Cette dernière vision affichait, en quelques minutes sur un écran de télévision, les scènes les plus émouvantes capturées sur des milliers de kilomètres carrés. Et encore, il s’agissait uniquement des zones où les reporters se trouvaient relativement à l’abri. Cette vision du monde m’avait définitivement marqué, ajoutez à celle-là l’art que me transmettait mon père de lire les images, ce qu’elles montraient, ce qu’elles disaient, ce qu’elles voulaient faire voir et ce qu’elles avaient oublié de cacher. Très tôt, j’appris à douter de l’image.
Mes parents, comme tant d’autres, m’avaient transmis par procuration la réalisation de leurs rêves de reconnaissance sociale. Malheureusement pour eux, je n’étais pas le candidat qu’il fallait, car je suis un hyper émotif lent.
Longtemps, j’ai cru que j’étais timide et pourtant je sentais que cette définition ne collait pas. Il m’a fallu toute une vie pour comprendre ces mécanismes, et pour les accepter. Mais grâce à cela, très tôt, je me suis intéressé à la psychologie et tout ce qui pouvait s’y rapporter. L’intelligence m’a très rapidement fasciné autant que les étoiles.
Mon attirance pour l’espace ne diminua pas pour autant. Était-ce à cause des cieux lumineux de la savane en saisons sèches ? Ou était-ce le désappointement de voir l’humain se chamailler ou se battre à mort, pour sauvegarder sa langue ou ses richesses de tout type ? Chacun, évidemment, ayant mille raisons valables de son point de vue, de résister ou de combattre.