Le projet Hôdo
La Charte de Hôdo

La charte de Hôdo
expliquée et proposée comme modèle de charte universelle de l’humanité.
La charte de Hôdo ne contient que trois lois fondamentales. Ce sont:

Table des matières

  1. Le devoir de respecter toute forme d’intelligence et ses supports
    1. Définitions
    2. Explication
  2. Le droit à la fuite et à l’abri
    1. Définitions
    2. Explication
  3. La synergie par le consensus ou le hasard
    1. Définitions
    2. Explication
  4. Trois lois? Pas plus?
  5. Le mot de la fin

Le devoir de respecter toute forme d’intelligence et ses supports

Définitions

Devoir
Cette loi est un devoir et non un droit, car elle est censée responsabiliser tous ceux qui sont maîtres de leurs actes.
Elle n’est pas un droit pour éviter de mettre en avant son intérêt personnel au détriment des autres, car la liberté n’est pas souvent partageable, d’où les deux lois qui suivront.
Respect
Le respect est une définition volontairement floue, car cette notion est aussi liée aux traditions culturelles des populations ainsi qu’aux concepts philosophiques ou religieux en cours qui l’associe à la notion tout aussi floue de tolérance.
Respecter signifie ici comprendre, ne pas juger moralement et, par conséquent, ne pas condamner.
Respecter, c’est surtout rester humble quant à la notion de vérité que chacun défend en toute bonne foi.
Intelligence
L’intelligence est aussi une notion floue, due au fait cette fois que même d’un point de vue scientifique cette notion reste difficilement définissable.
L’intelligence est indissociable de l’émotion et donc de la souffrance. Là où il y a souffrance, il y a intelligence.
D’ailleurs, la notion d’empathie ou de compassion est préférable à celle de tolérance qui peut être parfois dévoyée de manière égocentrique, voire égoïste. En fait, même la compassion est plus adaptée à la notion de respect que l’empathie qui ne peut être qu’un sentiment passivement ressenti, voire «sadique».
Toute forme d’intelligence
Nous ne sommes pas aptes ni scientifiquement ni moralement à donner des frontières qualitatives ou quantitatives de l’intelligence.
Quant aux différences, puisqu’elles existent, elles doivent être considérées comme un plus dans la biodiversité. Elles contribuent à la synergie créative.
Aussi, ce respect dû à tous les humains sans exception peut-il être étendu à toutes les formes de vies que nous estimons moins évoluées, terme qui devrait être remplacé par «complexifiées» afin d’écarter tout jugement de valeur.
Les supports de l’intelligence
L’intelligence est à la fois «enfermée» dans un corps, «protégée» dans des abris physiques, logements et territoires, en «synergie» dans des groupes qui partagent des lieux de vie et finalement la planète entière. Il s’en suit que le respect de l’intelligence doit conduire au respect de la vie, au droit à l'abri (loi suivante), aux différentes associations sociales et à l’«écologie», c’est-à-dire la vie de notre planète.

Explication

La première loi de Hôdo considère que l’intelligence est la manifestation suprême de la vie, et donc, de l’humanité.

Nous ne savons pas, sans doute pour très longtemps encore, ce qu’est l’intelligence. D’une part, on la sent proche des questions existentielles. D’autre part, on la sait «sécrétée» par notre cerveau, au moins pour programmer des comportements qui nous permettront de répondre à cette double tâche: vivre et «vivre au-delà».

Comprendre les mécanismes de cette intelligence devrait nous permettre de maintenir notre vie aux meilleures conditions possibles et de prolonger notre existence au-delà de notre fin individuelle. Et puisque nous sommes des êtres sociaux, enrichir la synergie dans nos associations, de la famille aux grandes communautés internationales, doit être un objectif principal. Cela se fera entre autres en propageant nos œuvres éventuellement partagées anonymement au sein d’organismes plus complexes qui nous perpétuent au-delà de nos limites.

La vie s’appuie sur la vie. Rares sont les exceptions d’espèces vivantes capables de se nourrir de pure énergie et de matière inerte. Or la vie est intimement liée à l’intelligence. Selon le principe du respect de toute forme d’intelligence, l’exploitation et la mise à mort de tous les êtres vivants devraient s’effectuer avec le plus grand respect. Reconnaître que notre vie est redevable à ces êtres qui la perdent pour nous pourrait nous inciter à ne pas les faire souffrir et encore moins à faire traîner cette souffrance. Enfin, si l’intelligence prime la vie en soi, l’une des conséquences de ce postulat est qu’il peut être humain de libérer une intelligence souffrante de son support physique, même humain.

Toute intelligence se base sur la mémorisation. La mémoire nous impose la présence préétablie d’engrammes transmis par les gênes pour installer rapidement les processus d’adaptation et de gestions des capteurs qui percevront l’environnement par la suite. Dès l’instant où l’on parle de mémoire, on sous-entend l’existence de durée: temps pendant lequel une information va être enregistrée et accessible. Cette mémoire a obligatoirement des archives parfois très stables et d’autres très fugitives. Celles qui sont stables assurent la stabilité de notre organisation. Dès l’instant où l’on parle d’organisation, on parle de catégorisation. Elle aussi est le fruit de toute une existence, agençant les souvenirs pour que la pensée puisse choisir parmi les bonnes catégories du moment les expériences qui permettent de deviner le chemin qu’il faut prendre.

Ces ensembles de mémoires constituent nos vérités individuelles. Nous n’en sommes pratiquement pas maîtres. L’hérédité, la prime enfance, les apprentissages longs ou prégnants ont façonné notre monde intérieur que personne ne partagera jamais. Nous sommes seuls dans notre boîte crânienne, et dedans, les seules notions de bien et de mal qui existent sont celles qui sont ressenties comme gratifiantes ou frustrantes, voire pénibles.

Le respect de l’intelligence sous toutes ses formes devrait donc conduire à rester humble quant à la notion de vérité, car nous ne connaissons que la nôtre, et encore, même pas en profondeur. Cette connaissance qui est la nôtre est elle-même parcellaire, limitée par nos capteurs et notre expérience individuelle. La vérité qui s’impose dans notre esprit est comme l’eau qui tombe du ciel vers le centre de la Terre: le courant d’eau va inexorablement de la montagne vers la mer. Il ne se trompe pas lorsqu’il suit de longs lacets serrés, erre dans les marais, déborde de ses rives, se perd dans des lacs encaissés ou souterrains, voire des mers mortes… Notre liberté est si relative, toujours contrainte par l’environnement.

Il s’en suit que le respect de l’intelligence s’accommode mal de l’élitisme ou de l’égalitarisme qui sont d’ailleurs souvent corollaires l’un de l’autre.

Autant le plaisir de se surpasser dans quelque domaine que ce soit et de valider ses efforts dans des compétitions «sportives» est agréable pour soi et utile à tous, autant le mépris engendré par certaines formes de domination est contraire au principe du respect de l’intelligence.

Parmi ces mépris, se trouve souvent l’élitisme. En général, il s’appuie sur certaines spécialisations reléguant les autres compétences comme si elles étaient mineures donc négligeables, ce qui est en désaccord avec le respect de toute forme d’intelligence, la «psycho-diversité».

Parfois pour augmenter le pouvoir d’une élite par l’usage de la démagogie, l’égalitarisme est habilement présenté comme un idéal «juste et bon», ce qui est, au contraire, le refus d’accepter toute forme d’intelligence en la forçant à prendre un modèle unique. Le prêt-à-penser rassure les dominants, anesthésie les dominés, et, au total, est peu créatif pour l’humanité dont la principale valeur est précisément son intelligence globale qui s’enrichit de toutes les différences.

Mais l’ouverture aux autres, la tentative de compréhension d’autrui, le refus de l’autosatisfaction et la remise en cause de sa vérité égocentrique protégée par des communautés qui ont besoin de leur protocole érigé en «vérité» pour le maintien de leur structure, toutes ces attitudes sont coûteuses en effort tant pour un individu que pour un groupe, aussi les deux lois suivantes de Hôdo tentent d’y remédier: «le droit à l’abri et à la fuite» et «le consensus ou le hasard».

Le droit à la fuite et à l’abri

Définitions

Fuite
L’un des trois comportements moteurs de l’homme face à une agression est la fuite, la contre-attaque et l’immobilité. Cette dernière peut résulter d’une tétanie plutôt que d’une volonté de furtivité. Dans les deux cas, il convient d’associer ces inactions à la notion de fuite. Il est important de considérer que l’agression peut être aussi bien psychique que physique, et donc, que la fuite ne sera pas toujours du même style.
La sidération est source de stress malsain lorsque la situation perdure. En effet, l’organisme en état d’alerte met en sommeil toute une série de mécanismes de maintenance qui peuvent à force altérer le bon fonctionnement de certains organes du corps. La fuite et l’évitement sont donc préférables. Encore faut-il que cela soit possible, c’est pourquoi il s’agit d’un droit.
Abri
L’abri est indispensable pour de nombreuses raisons.
L’organisme a besoin de se restaurer, de se reposer, de se soigner à l’écart de tout risque ou source de trouble qui viendrait perturber la retraite. Il a aussi besoin d’un espace où se retirer pour éviter l’affrontement. Or, cet affrontement peut ne pas se limiter à un «ennemi», mais aussi à n’importe quelle situation pénible environnementale: dispute familiale, examen stressant, désaccord dans le travail…
Quant à la fuite proprement dite, elle ne peut être que temporaire et brève, et il vaut mieux parler de repli. Fuir implique de tourner le dos au danger, et donc de perdre de vue l’évolution de ce dernier.
Droit
Contrairement à la première loi de la charte, celle-ci est un droit, car elle est indispensable pour pouvoir assurer le respect de la première. Elle est indispensable, car la sérénité est la qualité essentielle pour pouvoir respecter toute intelligence.

Explication

Le cerveau est comme cette image de la rivière: il a tendance à creuser son lit, non à en créer un autre tant que rien ne l’y force. Le lit de la rivière est la vérité du cerveau. Non seulement il lui est difficile de changer de vérité, mais, s’il a le choix, il suivra le courant qui renforce sa vérité déjà acquise. Il y a probablement au moins deux raisons pour ça: économie d’énergie et balance de plaisirs-désagréments accumulés. C’est à cause de ce processus que l’on s’enlise dans nos convictions et qui fait que l’on n’arrive pas à changer de cap, quelles que soient la nature et la grandeur du projet. Le fanatisme est présent partout dans notre cerveau, et les manipulateurs en usent, que ces derniers aient le visage d’un bien pensant ou d’un saint éclairé. Il n’y a qu’une différence d’intensité dans l’agressivité entre le fait d’être borné ou d’être fanatique.

Ne jetons pas trop vite la pierre à autrui: nous sommes aussi tous manipulateurs, parfois bornés, voire fanatiques. Dès l’instant où le bébé comprend que ses pleurs et ses mimiques lui apportent quelque satisfaction, il découvre comment influencer l’autre. Comme nous sommes des êtres sociables, nous utilisons de nombreux messages pour attirer la sympathie des groupes qui détiennent des éléments de vérité qui correspondent à celle que l’on a déjà en soi.

Beaucoup de ces messages aussi sont des marques d’identification pour rester dans le groupe qui nous accueille. Parmi ces marques, il y a les codes du langage, le port d’insignes, d’uniforme… L’uniforme n’a pas nécessairement l’allure militaire. Il existe mille et une manières de marquer son appartenance à un clan, d’afficher sa séduction: costume strict, punk, métalleux, cosplay, voile, chemise dégrafée… Sans compter les aspects corporels, dont les plus visibles comme la chevelure: coupe rasée, cheveux artistiquement en bataille, gominés, cachés…

Ces marques d’identification peuvent aisément devenir des signes d’allégeance, de soumission et finalement des uniformes guerriers pour combattre les autres clans. Car, encore une fois, le cerveau est cette rivière qui n’aime pas changer de lit et qui va se jeter aveuglément sur le rocher qui lui barre la route.

C’est pourquoi les deuxième et troisième lois de Hôdo consolident la première: comprendre toute forme d’intelligence nous conduit à une grande humilité et à une grande empathie, mais elle ne peut conduire à une soumission forcée.

Que faire dans ce cas pour vivre ensemble?

Le bâton et la carotte? Les lois de Hôdo ne proposent ni l’une ni l’autre, mais proposent de faire découvrir d’autres espaces de liberté et d’autres satisfactions, supérieures à celles déjà acquises. Le concept hôdon n’est pas de battre l’âne ni de le faire avancer en agitant devant lui une carotte alléchante. L’idéal hôdon est de lui ôter les œillères et lui montrer l’immense étendue qui l’entoure en se servant de son intelligence ainsi que celles des autres, pour créer, comme le disait H. Laborit, «l’homme imaginant»*.

Il faut, donc, en premier lieu, peut-être définir ce qu’est la liberté, sous un angle plus scientifique que philosophique.

La liberté est une notion abstraite qui pourrait se représenter par un ensemble d’éléments éligibles par l’individu «dominant» cet espace dit de liberté. Ces éléments peuvent être aussi bien physiques que psychiques. Chaque être vivant dispose d’un tel ensemble. Or tout élément peut appartenir à plusieurs ensembles. Lorsque ces éléments ne sont pas partageables, il y a obligatoirement une «négociation» qui peut conduire aussi bien à la synergie gagnant-gagnant qu’à l’élimination pure et simple du détenteur de l’élément convoité. Évidemment, toutes les solutions intermédiaires, dont l’intimidation et la manipulation mentale, seront souvent mises en jeu pour arriver à ses fins.

Dans cet espace de liberté, il y a non seulement des choses tangibles comme la nourriture, l’abri, les outils… mais il y a aussi ce que l’on appelle la liberté de pensée. Cette dernière transcende évidemment la liberté d’expression.

Il y a aussi des éléments de cet espace de liberté plus subtils, parfois à cheval entre les éléments matériels et psychiques. En effet, prenons l’exemple du bruit. Le son est bien «physique» et de surcroît porté par l’air partagé par l’émetteur et le récepteur. Or, dans ce cas, il peut y avoir conflit, non de possession de ressource unique, mais de partage inévitable, c’est-à-dire de perte de liberté d’élection et d’appropriation.

Le cerveau est conçu de telle manière qu’il supporte en général ce qu’il fait, car sinon, c’est logique, il ne ferait pas. Par contre, celui qui subit le bruit peut se sentir mal à l’aise, car le son est porteur d’informations permanentes au cerveau qui le plus possible reste en alerte dans toutes les circonstances. Toute fréquence, toute périodicité entretiennent la vigilance du cerveau qui attend les signaux suivants à décoder. Ainsi, une partie de la pensée va se tourner vers l’analyse du bruit d’autant plus que celui-ci s’impose. Or, même si notre cerveau a l’habitude de gérer plusieurs fonctions simultanément, il ne le fait pas avec un nombre infini (on évaluerait que le cerveau gère moins d’une douzaine d’informations importantes en parallèle). Et même ainsi, tout travail exécuté par les neurones consomme de l’énergie, et le cerveau est un organe très gourmand en énergie. De là, on comprend que le bruit puisse engendrer crispation, fatigue, déconcentration… Comme ces dernières fonctions sont apparemment abstraites, donc «reléguées» au domaine de la pensée et du ressenti, il est facile de les associer à des valeurs morales sociétales. Par exemple, le «dominant» imposera souvent son bruit ou son besoin de silence avec l’argument «j’ai le droit de… » jeté à la face du «dominé» qui sera taxé d’«intolérant» s’il ne se soumet pas. Mais qui a raison? Et comment résoudre le problème imposé par la première loi concernant le respect de l’intelligence?

Tout d’abord, il faut comprendre l’intolérance. Cette notion a deux interprétations selon le point de vue sociopolitique ou selon le point de vue médical. Dans cette dernière optique, l’intolérance se manifeste par des rejets de greffons, de prothèses, de microéléments organiques ou artificiels… et même de concepts psychologiques. Celui qui souffre d’allergie n’a pas choisi ce type de réponse. L’intolérance est une réponse à une situation qui est considérée comme dangereuse à tort ou à raison par l’entité — organe, individu ou société. C’est cette mésinterprétation du danger qu’il faut corriger, mais pour cela il faut déjà arrêter, du moins provisoirement, la cause pour que cela soit plus facile à soigner et corriger. Une seule solution possible, souvent unique, est en éloignant le «patient» de la source de malaise, du moins, pendant une période qui permet de traiter les dégâts.

Souvent aussi, il sera utile de profiter de cette retraite pour renforcer la tolérance de l’individu. Beaucoup de politiciens et philosophes croient en savoir plus dans ce domaine, mais les médecins savent combien il est difficile et délicat, voire dangereux, de jouer avec les réponses immunitaires de l’organisme. Malheureusement, les dominants veulent toujours forcer leur vérité, et d’autant plus vite que leur pouvoir est de courte durée. Il s’en suit que la notion d’intolérance est utilisée à profusion pour créer des prisons cérébrales du prêt-à-penser aussi bien pour les «pros» que pour les «antis».

L’intolérance ne devrait pas être considérée comme un péché punissable, mais comme une faiblesse qui peut se soigner. La tolérance sociale ne devrait être que le résultat d’une compassion ou d’une empathie. Cela s’obtient et se consolide plus aisément dans une situation sereine et la compréhension des mécanismes de la pensée, les siens et celui d’autrui. Autant l’art de vivre ensemble grâce au respect mutuel est un objectif à atteindre, autant la volonté de forcer cet idéal peut s’avérer douteuse quant aux motivations et aux moyens mis en œuvre pour y parvenir.

Toutes ces raisons, non exhaustives, contribuent à l’«éloge de la fuite» louée par Henri Laborit, au droit à refuser l’affrontement et au besoin de se ressourcer. Et donc, dans le Projet Hôdo, cela conduit au droit à une vie privée et à un refuge dans un environnement social rassurant.

Il s’agit cette fois dans les trois lois de Hôdo d’un droit. C’est à dessein. Un droit peut s’imposer plus facilement qu’un devoir, mais cela pose aussi beaucoup de problèmes pratiques d’où la troisième loi qui est incontournable pour assurer les deux premières, et qui sera développée par la suite. En effet, un droit peut être aussi source de manipulation et de conflits agressifs.

En reprenant l’exemple du bruit, on peut aussi se mettre dans la peau de celui qui fait du bruit. Celui-ci pourrait jouer la victime et clamer que ce n’est pas de sa «faute» si le bruit sort de son abri et gêne le voisinage. Avec ce type d’argument, un dominant peut invoquer la première loi. Ainsi le «devoir d’être respecté» transformerait le «droit à l’abri» en un devoir imposant à ses voisins la tolérance à son égard, voire l’obligation de se boucher les oreilles.

Au niveau d’une société, le regroupement de communautés de pensées dans l’esprit, précisément du respect de la pensée et du repos de celle-ci, est naturel. En même temps, cette attitude peut conduire à transformer des quartiers ou des territoires plus vastes en ghettos et en réserves. Ce seront des camps retranchés ou de prisons selon que les miradors seront tournés vers l’extérieur ou vers l’intérieur. L’alchimie du droit à l’abri est complexe.

Pour continuer l’analogie médicale d’avec l’allergie, ce n’est pas pour autant qu’il faille pratiquer une asepsie qui consiste à gommer toute différence entre les entités humaines ou sociales. C’est la variété qui contribue à l’espèce tout entière, et à sa quête à jamais inachevée de Vérité. Le partage est une richesse, mais toute intelligence a besoin de temps pour s’adapter, sinon, le changement est perçu comme une menace. Les manipulateurs de pensée le savent bien et ne brusquent jamais leurs victimes.

De même, les tenants de l’«asepsie» tentent souvent de préconiser de réduire au silence les extrémismes. Pourtant, statistiquement, toute distribution a ses extrêmes. Tronquer ces extrêmes revient à créer de nouvelles extrémités. Quelle sera alors la limite de l’accepté? Une pensée unique, sans divergences?

Pourtant, dans toute distribution statistique standard, les extrêmes sont minoritaires, et tant qu’elles le restent, la société est normale. Si l’«extrême» croit, c’est qu’il y a une inflammation. Quelle médecin proposerait d’arracher la peau pour se débarrasser de toute irritation au risque de provoquer une gangrène pire? Mais peut-être est-ce seulement un tour de passe-passe qui permet de focaliser ailleurs l’attention du public pour installer une «démocrature». Toute censure est dangereuse, car on sait où elle commence ni où elle s’arrête. Seul, le respect d’autrui, la première loi de Hôdo, devrait servir de conscience intime.

Face à une telle liberté, il est indispensable de permettre à chacun de refuser une soumission. La fuite est un droit.

Ce qui est vrai pour chacun l’est aussi au niveau des communautés de toutes tailles, comme les États-nations. Donc, le droit à l’abri socioculturel s’applique aussi à la non-ingérence de pouvoirs extérieurs et l’autodétermination des populations.

Comment gérer la fuite du conjoint battu ou l’autodétermination territoriale? S’agissant d’un droit, la fuite et l’abri peuvent être soumis à certaines contraintes, et requérir certaines médiations. Il sera peut-être indispensable de séparer des belligérants sans pour autant prendre parti pour l’un ou pour l’autre. Toutes ses raisons conduisent à la troisième loi du Projet Hôdo censée répondre à la question: comment assurer le respect des deux lois précédentes?

La synergie par le consensus ou le hasard.

Définitions

Consensus
Il n’y a pas de consensus sur la notion de consensus!
Mais l’idée principale qu’il faut retenir, c’est la volonté de synergie au service d’une intelligence collective, et non «collectiviste», car pour chaque membre de la communauté concernée doit le compromis doit être globalement gagnant-gagnant.
Le consensus, c’est l’effort intellectuel et pratique pour créer une solution qui convienne à tous. C’est le refus de se cantonner dans une sorte de dictature des majorités qui de surcroît sont parfois très relatives. Très relatif, car tout dépend du pouvoir de blocage. Les révoltés ont rarement été représentés par des majorités, mais toujours par des groupes qui souvent détiennent une puissance de blocage suffisant pour enrayer le fonctionnement d’une machinerie complexe.
Le consensus est source de créativité, mais avant, il est le résultat d’une écoute objective. Cela impose au préalable de se rappeler que derrière chaque mot, chaque humain y a mis une signification et un ressenti qui lui est propre, et que la validité d’une solution ne dépend pas de celui qui l’énonce. C’est pourquoi le consensus doit être un acte pratiquement technique, voire scientifique.
Hasard
Le non-choix, l’immobilisme sont parfois mortels. Alors, choisir la solution au hasard peut être le dernier recours pour ne pas favoriser des formes de pouvoir qui imposerait leur vision risquant de ne pas assurer la règle gagnant-gagnant du consensus.

Explication

Si nous voulons partager nos espaces de liberté sans violer nos zones de protection, nos jardins intimes, voire secrets, il faut être capable de perdre un peu de notre espace de liberté individuelle pour gagner plus en mettant en commun d’autres libertés. Mais comment faire cette négociation?

Bien que nous soyons instinctivement désireux de maîtriser notre environnement, de là notre attitude dominante, voire agressive, il est rentable de s’associer en groupe pour accumuler les qualités des individus qui se sont spécialisés et pour diminuer les cloisonnements qui représentent des dépenses énergétiques supplémentaires quand elles sont individualisées.

Un orchestre sera d’autant plus riche en sonorité qu’il est constitué de musiciens maîtrisant des instruments différents, parfois en plus à différent niveau de maîtrise. Rendre tous les musiciens identiques serait comme privilégier la quantité à la qualité.

Pourtant, privilégier la quantité a aussi son intérêt. Un ensemble de logements, de stockages, etc., gagne en réduisant et en éliminant les cloisonnements. Et tout le monde connaît la maxime: «l’union fait la force!». On en voit un résultat sur l’être que nous sommes: les cellules qui composent notre corps représentent bien ce type d’économie. Chaque cellule, indépendamment de sa fonction spécialisée, est autonome et dispose de ses propres protections, mais l’organisme, lui, ajoute une protection de surface commune aux ensembles, ce qui est un gain énergétique incontestable. En même temps, il fournit nutriments et défenses internes.

Les choix antagonistes, comme celui d’appuyer sur l’accélérateur ou sur le frein, font souvent débat en politique. Comme si l’on conduisait un jour sans frein et le lendemain sans accélérateur! Pourtant, tous ces dilemmes, ces conflits d’intérêts, existeront toujours. Sans cesse, il faudra trouver des compromis qui, eux-mêmes, ne sont pas constants au cours de la résolution. Alors, comment faire pour obtenir la meilleure réponse possible sans tomber dans des choix purement idéologiques?

Premièrement, les meneurs d’hommes utilisent une compétence du cerveau pour gagner en pouvoir, attirer des alliés et imposer des choix: la classification.

C’est l’une des grandes compétences du cerveau, la création de catégories aptes à prévoir les sources de dangers ou de plaisirs. Les amalgames sont quasi inévitables, n’en déplaise aux moralistes, mais, pour ces derniers qui n'échappent pas à la classification, il y a les «bons» et les «méchants» regroupements. Ces professeurs de morale utilisent à la fois à leur insu et à leur intérêt les amalgames qu’ils décrient. Les donneurs de leçons sont d’ailleurs de quel côté, car si c’est le plus «intelligent» qui s’adapte, c’est le plus fort qui «adapte»? Et qui «adapte» comment? Par le châtiment? Sous les ordres de qui? Du plus «intelligent»? Celui qui a engendré les amalgames qui conviennent à la structure sociale conforme au contenu de sa boîte crânienne?

Pour forcer le respect de cette morale, il sera parfois nécessaire de châtier.

Il n’est pas bien de donner la fessée… mais le mépris, l’ironie, la moquerie, ne détruisent-ils pas plus sûrement, et d’autant plus profondément, quand, de surcroît, la victime est accusée de manque d’humour, voire de manque d’intelligence? Une double peine, en quelque sorte!

Au niveau des grandes populations, la fessée sera-t-elle donnée par des armées brandissant la bannière de «guerre juste»? Ou, sera-ce plus «propre» et plus efficace, car ne laissant aucune trace visible de maltraitance, en utilisant des châtiments psychiques ou des sanctions économiques?

Il y a beaucoup d’hypocrisie pour gérer les contre sens dans les prêts-à-penser qui télécommandent les comportements des populations. Mais il est tellement plus facile pour les dominants d’envoyer la chair à canon défendre les valeurs qu’ils défendent, leurs vérités, après les avoir inculquées aux suivants. Il est plus «amusant» de jouer au stratège et de faire tomber des pions sur l’échiquier que de s’efforcer de trouver une solution pacifique. Il est plus facile de tuer l’inconnu. Il suffit d’envoyer d’autres inconnus faire le travail. Les va-t-en-guerre ne cherchent pas le consensus, ils imposent leur vérité, et pour eux la technique sera toujours la même: frapper d’innocentes victimes pour jeter la terreur chez les opposants lorsqu’il est impossible de les convertir ou de les éradiquer! Qu’importe le type d’armée, qu’importe les moyens, largage de nappe de bombes, d’égorgements, de dague dans le dos…! Ne rêvons pas, les Horace et les Curiaces n’existent plus. Même lorsque les armées essaient de limiter leur combat entre hommes de métier, il y a toujours des dégâts collatéraux. Et il ne faut jamais oublier que les soldats sont avant tout des citoyens, des humains, agissant au nom de ce qu’ils croient être leur vérité?

En règle générale, derrière toute imposition de volonté, c’est la loi du plus fort qui l’emporte. Cela ne se résume pas qu’à la force brutale. Elle peut revêtir de nombreuses facettes: chantage affectif, menace de bannissement, restriction de ressources… Quant à la force, avec ou sans sadisme, elle peut revêtir des oripeaux nobles de sainteté, de justice… Et le gagnant prétendra que sa victoire, si elle n’est pas d’essence divine, est le résultat d’un consensus puisque le soumis a fini par être d’accord avec lui.

Si nous ne voulons plus que l’humanité s’entre-déchire en permanence, il faut introduire la notion du consensus et du hasard lors de l’établissement de ses règles de cohabitation.

Tout d’abord, selon la première loi de Hôdo, il n’y a pas d’intelligence supérieure à une autre. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des experts pour créer des solutions plus adéquates à un problème donné, mais qu’il n’y a pas hiérarchisation de domination pour imposer une idée qui sera de toute manière toujours à l’avantage de celui qui la propose.

Par intelligence «supérieure», élitiste, il faut surtout entendre une intelligence moralisatrice, politique, philosophique ou religieuse qui ne s’appuie que sur des valeurs sociétales parfois sans fondement pragmatique et encore moins scientifique, mais dotée d’une autorité ou d’un charisme suffisant pour s’imposer. Une intelligence «vraiment supérieure» devrait être humble, sinon elle sera dominante, non dans le sens d’éclairer la communauté, mais dans celui de la formater selon sa vision parcellaire de la Vérité.

Il faut se méfier des lois égalitaristes dès l’instant où elles sont établies par des dominants. Elles les rassurent en leur apportant, selon le cas, les jouissances d’une paix imposée dans leur «domaine» ou l’élévation de leur statut grâce à une égalité qui les favorise.

Si la vérité de chacun est vraie pour chacun, et si l’espace de liberté partagé peut conduire à des conflits, comment gérer la synergie gagnant-gagnant? Faut-il inventer une nouvelle forme de démocratie, une acratie qui ne serait pas «anarchique» au sens péjoratif?

Comment réaliser le consensus alors, sans tomber dans le piège de la soumission?

Trop souvent, le consensus est en réalité une demande de soumission consentie, qui en général, même si ce type de soumission est «pacifique», porte en soi le germe de la revanche. Or précisément, l’un des buts des trois lois de Hôdo est d’éviter les cycles récurrents des revanches.

Il faut revoir les démocraties. Comme toute chose créée par l’humanité, cette option, si elle est la meilleure à un moment donné, ne sera jamais la dernière solution, car nous sommes en perpétuel progrès, même si parfois, il a des reculs apparents.

Les grands programmes proposés par les courants politiques des démocraties proposent souvent des «paquets»: comment, alors, choisir entre une boule verte et un cube rouge si l’on souhaite avoir une boule rouge? Il semble que le consensus est souvent plus facile à atteindre quand le problème à résoudre est découpé en difficultés plus simples à analyser et sur lesquels il sera possible d’obtenir des compromis. Mais cela demande à la fois beaucoup d’humilité, celle de ne pas croire qu’on est seul dans la vérité et le «bien», et beaucoup de créativité pour trouver mieux que ce que chacun pensait. Le consensus est un travail d’intelligence, non de puissance.

Cela risque d’être long? Mais l’histoire de l’humanité est longue. Doit-elle rester un long chemin de souffrance pour autant? Et l’urgence alors? Le pont qui s’effondre: faut-il rester dessus à papoter pour savoir quelle rive rejoindre?

Voilà pourquoi le hasard est le dernier recours. Dans le cas d’un danger imminent, souvent on choisit «au hasard» ou «à l’instinct».

Dans la Grèce antique, on dit que ceux que l’on appellerait des «modérateurs» de démocratie étaient choisis au hasard, car tout citoyen se valait. Évidemment, cet élu du hasard choisissait les compétences nécessaires et adéquates pour mener à bien la mission qui lui était confiée. Cet «idéal» correspond exactement à la notion de «hasard» dans la troisième loi de Hôdo et l’équivalence d’intelligence de la première loi.

Le consensus et le hasard peuvent aussi conduire à l’approbation d’une hiérarchie fonctionnelle ou à un mode de scrutin qui, lui, pourrait être à la proportionnelle, par exemple.

Quel que soit le choix proposé, voire mis en sommeil, il devrait toujours y avoir une date d’expiration pour éviter d’entériner définitivement par défaut un choix qui ne convient pas à tous ou qui s’avère non satisfaisant au court du temps.

En résumé, si l’on veut assurer l’équité absolue du respect de toute intelligence, et si l’on admet le droit à chacun d’un refuge physique et mental, la recherche permanente de consensus dans lequel le hasard viendrait briser les situations bloquées pourrait être un mode décisionnel plus efficace.

Trois lois? Pas plus?

L’idée de la charte de Hôdo est d’être admissible pour le plus grand nombre possible de citoyens de la planète.

Plus un ensemble est étendu, plus la définition des éléments qui y sont compris est réduite. Pour faire simple, l’ensemble des chaussettes est plus grand que celui des chaussettes rouges, et celui-ci que les chaussettes rouges en laine, etc. Moins il y a de lois «restrictives», plus ces lois s’adaptent à un plus grand nombre de personnes. Or le but de ces lois est de permettre le savoir-vivre ensemble le plus possible à toute la planète.

De plus, moins il y a de règles à mémoriser, plus il y a de chance de les respecter. Il ne faudrait pas recourir à la présence d’experts pour déterrer et interpréter des articles de lois que l’on dit d’ailleurs ne pas devoir ignorer. Certes, cette charte sera interprétée diversement au cours du temps et selon les communautés. C’est pourquoi si la première loi est la clé de voûte et la seconde une hygiène pour appliquer la première, la troisième est le moyen d’y arriver.

À ces trois lois présentées ici s’ajoutaient deux autres règles limitant d’une part le nombre total d’articles à dix et d’autre part leur pérennité. Il y avait ainsi cinq lois fondamentales pérennes (les trois lois et les deux dernières règles) et cinq autres, adaptables, voire remplaçables, en fonction du contexte. Ces «lois» non figées pourraient contenir des règles par exemple pour créer des espaces protégés pour la planète, de gestion des ressources surtout énergétiques, des consignes favorisant un enseignement de «psychologie discriminatoire positive» qui apprendrait à avoir confiance en soi et aux autres…

Le mot de la fin

Et si seulement, nous changions dans la charte le mot «Hôdo» par «Terra», si les trois lois fondamentales étaient nécessaires et suffisantes pour que tout terrien, indépendamment des attributs biologiques de sa naissance, des us et des coutumes hérités, etc., se sentait humain parmi les humains, tout simplement, humain, ni ange ni démon, à la recherche de son bonheur, certes, mais aussi celui de l’Humanité.

Serge Jadot
sj@hodo.fr

Note

↑*:

Très vite, j’ai été frappé par les divisions et ruptures sociales grandissantes en France (1981-1990). Je voulais écrire un roman allégorique sur la discorde. À cette époque, j’aimais Star Trek et l’esprit du Vulcain qui prône l’IDIC, «Infinies Diversités dans d’Infinies Combinaisons.» Quoi de mieux que de raconter cette histoire dans un univers où précisément l’union et la solidarité étaient la référence? J’ai donc écrit «La déchirure». Cette expérience m’a servi de tremplin pour me lancer dans une aventure qui, je ne l’imaginais pas au départ, deviendrait une «saga». Là, le lecteur peut rêver d’un monde qui obéirait aux lois de Hôdo.

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