Amour dominant

 

Un article de Livingstone.

La phrase de H.Laborit « Il n’existe pas d’aire cérébrale de l’amour » tombe comme un couperet sur tout élan d’altruisme. Par contre, ce même savant mise tout sur l’imagination comme unique voie vers un monde meilleur et plus humain.

Les scientifiques pensent aujourd’hui que notre cerveau est doté d’une palette d’émotions qui peuvent se combiner au même titre que les trois couleurs fondamentales dans la vision. Ces émotions interagissent avec le corps non seulement par les influx nerveux, mais aussi au moyen d’une subtile chimie qui nous procure des sensations physiquement ressenties. Dès lors, il semble contradictoire de dire que l’amour ne fait pas partie de nos mécanismes cérébraux et, simultanément, que cet amour est susceptible de nous émouvoir dans les « tripes ». C’est que toute cette mécanique répond à un programme : vivre et survivre.

Survivre, vivre au-delà de soi, impose aux êtres bisexués de dépasser l’égocentrisme, au moins pour engendrer une nouvelle vie. Il semble d’ailleurs que l’« altruisme » soit profondément ancré dans l’esprit mammifère, à tel point que certains biologistes ont prétendu créer des rats plus altruistes par croisements sélectifs. La plupart des mammifères ne peuvent survivre seuls au moins durant leur enfance. Un humain totalement égoïste n’aurait probablement aucune chance de survie.

Mais, un humain totalement altruiste n’aurait, lui aussi, aucune chance de survie. Il faut un mélange des deux pour vivre et survivre. C’est la notion d’équilibre, proclamée par Socrate et enseignée dans le Tao. Ainsi, on pourrait en conclure que l’altruisme est à l’égocentrisme, ce que l’impulsion est à l’inhibition, l’accélérateur, au frein.

Tout est question d’équilibre.

Ou plus précisément, tout est recherche d’équilibre, comme chacune des composantes de l’Univers entier. Un Univers qui serait resté vide de vie s’il en était resté à l’avant big bang, ou s'il s’était dispersé en un gaz infini, ou encore, s'il avait trouvé un équilibre éternel.

Les forces de la nature, attractives et répulsives, ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Il en est ainsi partout. L’apprentissage du cerveau est sanctionné par des marques de plaisir et déplaisir tout au long de notre existence de funambule. C’est par ces aiguillons que notre intelligence évalue les progrès de son imagination à trouver des solutions pour vivre et mieux vivre.

Or, c’est cette imagination qui est capable de concevoir l’existence de l’Univers, l’énormité de la Création dans laquelle nous ne sommes que poussières d’étoiles, comme dit si bien H.Reeves. Seul, cet émerveillement est susceptible de nous rendre humbles. Alors, qu’importe l’idéal que nous revêtons si humblement lorsque nous admettons que c’est notre meilleur choix en réponse à notre ignorance dans un Monde qui semble surgi de nulle part, et allant vers une fin programmée par une mécanique sans faille. Qu’importe, si c’est émerveillement s’appelle Foi, Éveil, Illumination…

Mais trop souvent, cet émerveillement est bien enterré sous des montagnes de prêts-à-penser professés par maints démagogues, bien plus dangereux que les tyrans, car ils manipulent la carotte et le bâton avec plus de subtilité. Ainsi, lorsque notre cerveau est endormi sur les sentiers qu’il croit avoir choisis, flatté par des sentiments de fierté, éperonné par la honte et la culpabilité, l’idéal n’est plus ce voile pudique qui cache nos doutes, mais l’armure sur laquelle vient mourir les cris des incroyants et des mécréants. Le fanatisme est tellement plus facile à gérer : il n’y a plus de questions à se poser et l’imagination peut servir à d’autres tâches plus asservies à l’Ego et aux maîtres qui tirent les ficelles. Issu d’une foi aveugle, l’altruiste paternaliste qui propage sa bonne parole ne tolérant aucun doute finit même parfois par fermer les yeux sur les « dégâts collatéraux » que lui impose sa sainte mission. Cet altruisme-là n’est qu’une des innombrables manifestations de la domination. C’est l’esprit de clan qui se protège contre les autres.

L’altruisme de l’humble est, lui, sans gloire : aucun dieu n’est là pour l’admirer et le récompenser.

L’altruisme de l’humble, c’est celui qui compatit avec cet autre qui essaye de vivre et qui est seul dans sa boîte crânienne. L’altruisme de l’humble, c’est celui qui partage la même voie qui conduit vers la mort, avec pour seul espoir, ce que lui apporte son imagination. Une imagination qui peut donner ne fût-ce que l’impression de changer le destin et de contribuer au déroulement d’un « Grand Oeuvre ».

Car il est difficilement concevable que ce Cosmos dont nous ignorons tant, ait pu engendrer des êtres qui se croient autonomes et responsables, alors qu’ils ne seraient que des automates. Et, même dans ce cas, il est difficile d’imaginer que tout cela fut mis en branle par et pour le néant. C’est grâce à cette imagination que l’homme est capable de planifier puis d’élaborer. Mais aussi loin, dans le futur, que se projette l’imagination, rien ne lui indique avec certitude un dessein quelconque.

L’humain en est ramené perpétuellement à parier comme Pascal.

Le Hôdon parie sur un une forme de comportement social : Respecter toute intelligence ainsi que son support (première loi de la Charte de Hôdo) .

Ce n’est pas une réponse à la grande question du sens de notre vie. C’est un choix qui n’a aucun argument, ni révélé, ni scientifique. C’est un choix qui parie sur le fait que l’Information, le fruit de l’intelligence, est ce qui globalement s’oppose au Chaos engendré par le désordre de l’inexorable entropie.

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