Liberté

 

Un article de Livingstone.

Liberté, égalité, fraternité...?

La liberté :Une prison dorée enfermée dans la théorie des ensembles.

Sommaire

Liberté chérie

Que de crimes commis au nom de la liberté ! Que de crimes pour une chimère !

Car, qu’est-ce cette liberté chérie, adorée ? Cette liberté qui est à l’opposé de la tolérance qu’elle prône souvent. Une tolérance qui ne concerne évidemment que les « autres », qui doivent se soumettre au seul slogan commun de l’extrême gauche à l’extrême droite : j’ai (bien) le droit de...

Dans sa quête de bonheur, passant obligatoirement par celui du bien-être, l’homme a besoin de ressources. L’ensemble de toutes ces ressources constitue un espace vital propre à chaque individu. Un espace associé à celui de la liberté. La liberté totale étant de disposer au moins de toutes les ressources de cet espace.

Dès les premiers instants de sa vie, un individu partage son espace vital au moins avec sa mère dont il est totalement dépendant. Il ne survit que grâce à la « bonne volonté » de la nourricière, et lui-même est incapable d’autre chose que de se soumettre afin de survivre en parasite. Dès le départ, s’installe l’antagonisme de la dépendance et de l’autonomie que l’intelligence va devoir gérer à chaque instant de la vie.

Vivre ensemble offre des avantages incontestables : la force, par exemple, s’additionne. Là où un seul être ne pouvait accomplir un travail, plusieurs le peuvent. Donc, s’associer revient en général à augmenter les ressources du groupe et est censé profiter à chaque individu. Sinon ces derniers ne trouveraient aucun intérêt à appartenir au groupe.

C’est pourtant là que réside le problème. Si les compétences augmentent lorsque deux êtres joignent leurs talents, les ressources, celles qui sont en commun, ne sont pas nécessairement partageables. Et à supposer que ces deux êtres veuillent rester équitables, ce qui n’obéit tout compte fait à aucune règle biologique, il peut s’avérer impossible à répartir certaines ressources. Il s’en suit qu’il faudra par la suite attribuer une valeur à chaque élément afin de négocier qui s’appropriera telle ou telle partie. Vu comme l’intersection d’ensembles, le nombre de possibilités croît de manière exponentielle en fonction du nombre d’individus qui cohabitent un même sur ensemble vital. La situation se simplifie si les individus se spécialisent à la manière des fourmis et vivent une symbiose dans des classes disjointes. Mais, la fourmi homo sapiens, dotée d’un énorme cerveau, ne se résigne pas facilement à n’être qu’une ouvrière.

À l’instar de la fourmilière, de nombreuses communautés animales sont régies par une monarchie, en général élite procréatrice. Il est possible que ce modèle fût celui des premiers ancêtres de l’espèce humaine. Mais l’autonomie est un privilège de l’intelligence et beaucoup d’espèces, dont l’homme républicain, remettent en cause périodiquement la tête de la tribu. Si la fourmi reste fidèle à sa fourmilière, l’humain peut, non seulement se montrer rebelle, mais aussi s’aventurer en dehors, entraînant dans son sillage des adeptes. Or la fuite d’un personnage affaiblit le clan préétabli, la fuite d’un groupe engendre même une concurrence obligeant un nouveau calcul de partage de ressources.

Pour récupérer les ressources convoitées, l’épreuve de force n’est souvent qu’un pis aller. Les pertes peuvent être supérieures aux gains escomptés. Par contre, l’affectivité est une prison idéale. L’amour sous toutes ses formes peut devenir « l’opium du peuple ». Savamment mélangé à la crainte et la culpabilité, l’amour réglemente la vie des « croyants ». Tous les amours : celui d’un Dieu de préférence unique, d’une mère patrie avide de dons de soi, d’une démocratie humaniste à la gloire de la consommation de masse. L’amour qui unit les « frères » contre ceux d’en face, ceux qui n’ont rien compris à la Vérité.

Ce n’est pas nécessairement les plus puissants qui imposent leurs diktats en loup solitaire. Les tyrans civilisés finissent même par avoir de bonnes manières et se permettent d’être généreux. Ils peuvent aussi se passer de l’agora pour conquérir le pouvoir, car leurs véritables électeurs sont actionnaires. Toute une armée d’évangélistes se chargera de convertir la plèbe en professant leur foi parce que d’une manière ou d’une autre ils y trouvent, leur compte en courtisant. Au fil du temps, maints lambeaux de lois persistent dans la mémoire collective sans que personne ne se souvienne de leurs genèses au détour d’une révolution.

Le groupe, cimenté par cette mémoire collective de traditions et de valeurs morales, est une richesse sinon un pouvoir. Alors, le groupe doit s’étendre pour satisfaire l’appétit insatiable de ses membres. Car les groupes ne se contentent pas de vivre dans des univers parallèles, la Terre est un espace clos. Tôt ou tard, ils partagent toujours les mêmes ressources. Ainsi, les groupes deviennent antagonistes et transportent la notion de liberté individuelle à celle du groupe.

Alors, la loi qui embrigadait les membres d’un groupe devient encore plus agglutinante, car elle devient cette liberté à défendre, cette liberté à laquelle se vouent les hommes-fourmis contre les autres fourmilières.

Si l’homme pouvait être conscient de ces mécanismes, peut-être alors se rendrait-il compte dans l’endoctrinement qu’il a reçu subconsciemment pour savoir comment partager la ressource commune ! Car il n’y a aucun critère ni logique, ni divin qui puisse cerner la liberté. Tout n’est qu’enseignement de conquêtes de droits et de frustrations persistantes : voilà la liberté pour laquelle tant de sang est versé. Que le premier qui ne se sente pas concerné par cette liberté jette la pierre... Je m’enfuis !

Car qui reconnaîtrait aisément que, dans le meilleur des cas, la liberté qu’il défend n’est que l’os de sa gamelle ? Comment oser croire dans ces conditions que les esclaves qui s’ignorent découvriront la liberté ? Et comment croire que cette liberté aura un visage humain, si sous la peau de mouton persiste le loup incognito ?

Le libre arbitre

Henri Laborit posera, à la lumière des découvertes biologiques, la question de notre libre arbitre, de notre personnalité même. Il écrira :

« Nous sommes les autres, c'est-à-dire que nous sommes devenus avec le temps ce que les autres — nos parents, les membres de notre famille, nos éducateurs — ont fait de nous, consciemment ou non. Nous sommes donc toujours influencés, le plus souvent à notre insu, par les divers systèmes dont nous faisons partie. »

Déjà dans les années 68 dont un certain mois de mai restera en mémoire germait l'idée de liberté bridée dont la paternité serait attribuée au philosophe Herbert Marcuse : « on nous apprend ce qui est bien de choisir, et lorsque nous savons ce qu'il faut choisir, on nous laisse la liberté de choisir ». Ce concept, à l'époque, politisé à la croisée des pensées entre Marx et Freud n'en reste pas moins biologiquement de plus en plus valable.

La liberté physique

En physique, la mécanique offre des libertés bridées. Un objet « libre » peut normalement se déplacer de bas en haut, de gauche à droite, d'avant en arrière. Mais si ce même objet est une perle montée sur un fil rigide, la liberté se réduit à suivre le fil.

Cette liberté est encore plus restreinte si l'on tient compte de la causalité. Tout changement de trajectoire est provoqué par un échange d'énergie. S'il y a échange d'énergie c'est que d'une manière ou d'une autre la disposition des objets concernés a évolué pour rendre possible l'échange d'énergie. Or le changement de disposition est le fruit de trajectoires. De fil en aiguille, on peut donc remonter jusqu'à la naissance de l'Univers pour toujours trouver une cause. Il n'y a plus aucune liberté dans ce cas.

Devant ce constat, il est tentant de trouver dans la mécanique statistique, la mécanique quantique et le chaos des « manifestations » de libertés. Mais si les lois de la physique parlent de probabilité, d'incertitudes voire d'incommensurabilité, ce n'est pas parce que la « liberté » se cache derrière les équations, c'est parce que le nombre d'inconnues est trop élevé, que les moyens de mesures ne peuvent être plus précis ou que l'outil mathématique devient trop complexe à développer.

Si la liberté existe, c'est probablement ailleurs qu'il faut la chercher.

La liberté psychique

Pourquoi la nature nous a dotés d'une intelligence ? Cette dernière a pour principale fonction de nous permettre de choisir la meilleure solution pour réaliser quelque chose. Or, choisir n'a aucun sens si le choix est prédéterminé : les dés seraient alors pipés ?

Ou bien, l'intelligence est le portail qui s'ouvre au-delà de la matière sur la liberté ?

Liberté et démocratie

Comment préserver à la fois les notions de liberté et d'égalité ?

La liberté semble plus souvent au service du (prétendant) dominant que du dominé. Cette liberté consiste à vouloir imposer ses prétendus droits sans considération des aspirations de liberté de l'autre...

Les démocraties ne servent qu'à donner plus de liberté aux dominants du moment, souvent sans considérations pour l'opposition, sauf à des fins électoralistes ou sous une pression trop déstabilisante. Les élections ne font que rassembler ceux qui choisissent les camps dominants.

Liberté et la manipulation mentale

Dans les relations de manipulation mentale, la liberté peut être un puissant levier pour induire un comportement souhaité. Ces techniques ont été étudiées par les psychologues sociaux : l'impression de liberté a pour effet de renforcer les comportements induits par une manipulation. (voir par exemple : Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens).

Dans l'hypnose ericksonienne , il est fréquent de laisser une « liberté » de choix lors de l'introduction en transe. Le choix y est d'ailleurs une fausse liberté (elle propose de choisir entre A et Non-non-A par exemple). Cette technique permet de troubler la vigilance afin de briser les barrières et les filtres de l'attention. Cela est utilisé à des buts essentiellement thérapeutiques, et montre à quel point l'impression de liberté peut fragiliser les résistances du cerveau.

Il s'en suit que tout humain devrait être deux fois plus attentif quand on lui parle de liberté. Celui qui parle au nom de la liberté ne parle peut-être qu'au nom de sa liberté, celle qu'il promeut pour mieux dominer.

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