Justice

 

Un article de Livingstone.

La justice est une notion aussi abstraite que l'égalité sur laquelle elle s'appuie, symbolisée par la balance. En fait, souvent, la justice n'est qu'une sorte de catalogue de prix associés aux objets et aux actes qui, mis en balance, permet de mesurer ce qui est perdu/donné par l'un et pris/reçu par l'autre. Évidemment, ces « prix » sont liés à la culture locale où a lieu le jugement, ce qui rend difficile une Justice commune à tous. Pour éviter que cette Justice soit soumise aux caprices des hommes, des dominants en particulier, beaucoup s'en remettent à des valeurs morales divinisées. Hélas ! Chaque religion et chaque interprétation créant un schisme plus ou moins important ont leurs propres valeurs, soutenues d'ailleurs par les dominants « religieux » qui y trouvent leur compte... Entre les « justes prix » des supermarchés et les guerres justes, que de justices qui ne mettent même pas d'accord les dieux entre eux ! S'il est possible de mesurer le prix physique d'un objet ou d'un travail, comment mesurer l'abstrait de la pensée et des sentiments ? Comment donner un prix à la vie même ?

Le second aspect de la Justice est l'épée dont la fonction est de « trancher », de manière non pas aveugle à la réalité, mais aveugle aux sentiments qui font pencher la balance. Elle fait « respecter » l'évaluation de la balance en faisant payer une « indemnisation » à l'agresseur pour ce qu'il a soustrait à la victime. Cette dernière semble être aussi mal placée que le bourreau pour se faire justice, puisque son désir n'est pas nécessairement de rééquilibrer le « déséquilibre judiciaire », ou injustice. Plus encore que de récupérer l'équivalent ce qui a lui a été pris, la victime risque de souhaiter inverser le « déséquilibre de justice » pour faire subir au bourreau ce même sentiment d'injustice.

Le problème du désir de vengeance, c'est qu'elle peut prendre comme la colère le dessus sur tout raisonnement. Pourtant, même si tuer l'assassin de l'être aimé ne rend pas ce dernier, le désir de vengeance peut devenir une obsession et ces dégâts peuvent durer plus longtemps que la colère. Elle peut même se perpétrer chez les descendants et devenir un héritage familial, voire culturel !

La vengeance devient alors l'épée aveugle et assoiffée de la justice.

Même si la loi du talion semble vouloir limiter l'escalade vengeresse, il n'est pas souvent réaliste de payer oeil pour oeil ou dent pour dent. Alors, la victime « évalue » et troque la peine : deux yeux pour une dent ? La balance sert au marchandage...

L'escalade finalement, conduit l'aveugle à tuer en compensation de sa propre vie désormais gâchée.

L'escalade vengeresse est l'une des conséquences de la domination et de l'agressivité associées. Elle n'est pas nécessairement directe : elle se retourne parfois et même souvent contre d'autres victimes. C'est par exemple l'enseignant qui rend à volonté son cours ardu inconsciemment, et qui redresse les épines derrière la route qu'il a suivie.

Et dans le pire des cas, elle aboutit aux paroxysmes des escalades guerrières avec leurs « frappes préventives », leurs « (re)conquêtes territoriales » et toutes les formes plus ou moins élaborées d'ingérences politiques.

Il faut à un moment donné, faire abstraction de cette Justice et choisir entre « jamais plus ça ! » et « vengeance ! ».


Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle ? C'est le pardon qui doit y mettre fin (légende shintô).

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