Pédagogie

 

Un article de Livingstone.

La pédagogie hôdonne, ou comment passer le flambeau.

L’éducation est incontournable et ne doit pas se limiter au « dressage » qui rend l’homme utile à la société de consommation. Comment, alors, ne pas tomber dans le piège de l’endoctrinement ?

Nous pensons que la vérité n’est l’apanage de personne. Mais chacun d’entre nous croit en la sienne. Et chacun essaye de faire partager aux autres sa vision des choses, car nous évoluons dans le même espace vital. Un espace où, l’un comme l’autre, nous préférons vivre en paix. La paix, même les fous assoiffés de guerres se la réclament, justifiant l’extermination de toute menace.

Notre conception de la vérité nous interdit l’« évangélisme » puisque nous le combattons. Nous nous refusons d’être des maîtres à penser, car nous redoutons de devenir nous même des endoctrineurs. Pourtant, nous voulons communiquer nos espoirs et nos combats. Sans démagogie et sans bombes !

Les trois principales sources de propagandes sont l’élitisme à travers l’enseignement professionnel, l’influence du jugement dans la culture dite générale et évidemment le « catéchisme » des morales religieuses ou philosophiques. La première est directement liée à l’instinct de domination et les parents en sont souvent les principaux instigateurs, même ceux qui crient haut et fort leur foi socialiste ou prétendument égalitaire. Des trois, la seconde est la plus pernicieuse, car c’est à travers la « culture générale » que se distillent, à l’insu de l’individu, des valeurs éthiques digérées puis régurgitées par les pédagogues. Le pouvoir de persuasion des traditions et de l’histoire (où nous enlevons sciemment la majuscule) est tel qu’il peut se passer de cours de morale et donner ainsi l’impression de neutralité objective et de liberté.

Mais chacune de ces techniques crée des groupes avec les risques inévitables de sectarisme. Chaque groupe étant d’ailleurs convaincu de détenir seul la vérité. C’est l’élite, aristocratie d’un moment, qui domine la populace. C’est le juste, sûr de ses droits, qui blâme et corrige, toujours prêt à jeter la première pierre contre l’ennemi. C’est l’élu, envoyé des dieux ou représentant du Peuple, penché sur l’échiquier machiavélique où les cases bleues ou rouges sont piétinées par de braves pions.

C’est face à ce piège, à ce dilemme, que se trouve le projet Hôdo. Et pourtant, il est impossible de vivre en société sans un protocole minimum qui assure au moins la possibilité de communiquer. Le projet Hôdo, lui-même, possède sa propre charte, aussi minimaliste soit-elle. Alors, comment partager des règles sociales sans tomber dans un prosélytisme plus ou moins sournois ou tyrannique ?

Tout d’abord, il faut rester humble (à ne pas confondre avec modeste). C’est-à-dire ne jamais croire ni prétendre détenir seul la vérité, pour peu qu’on en tienne un bout. Ceux qui croient au projet Hôdo doivent toujours garder en mémoire que leur choix n’est que le plus opportun permis par une liberté, ô combien, restreinte, si elle existe même.

Il ne faut accepter aucune compromission ni à l’élitisme, ni à l’égalitarisme démagogique. Nous ne sommes égaux que dans notre « devoir » de permettre en permanence la créativité et d’assumer seuls notre liberté. Il ne peut non plus y avoir d’évaluation « élitiste ». Car il n’y a pas ceux qui sont mieux que les autres, mais uniquement ceux qui sont plus disposés et prêts à acquérir une compétence plus complexe dans certains domaines et à s’en servir. Car nous sommes essentiellement variés dans notre nature humaine sans aucun mérite, ni honte, des hasards de notre naissance. (Une chance, d’ailleurs, pour l’évolution de la Nature.)

Nous sommes tous égaux dans notre droit à la fuite et au refuge. Pour un Hôdon, le harcèlement, le viol autant physique que psychique, sont les crimes des plus intolérables. Or, que ne voit-on dans l’enseignement ce type de manifestation, même distillé à dose homéopathique ! Il est pourtant possible de contester et critiquer sans recourir aux quolibets, brimades, insultes et affronts.

Il est aussi possible et indispensable de démystifier les règles sociales et l’histoire de l’Humanité. Souvent, le pédagogue, parent, enseignant ou tuteur, s’abrite derrière une certaine infaillibilité de la Loi afin d’asseoir son autorité. Il est difficile en effet de s’opposer à « on ne fait pas cela » plutôt qu’à « je n’aime pas que tu fasses cela ». On ne peut facilement lutter contre « ON », pire, comme l’oeil de Caïn, on ne peut le fuir. N’en déplaise à Pascal qui déclare le « MOI » haïssable, le « ON », lui, inhibe et traumatise bien plus la psyché que le « MOI » qui s’assume.

Par contre, il est légitime que l’on se repose sur des certitudes, sur une foi. Le pédagogue ne doit pas nier ses convictions. S’il peut vouloir les faire partager, en aucun cas il ne pourra la présenter comme la Vérité, mais comme la foi que, lui, a choisie pour assumer son existence.

Mais, le pire dans l’enseignement reste le message subconscient. Celui qui est transmis même parfois (souvent ?) à l’insu du maître.

La seule parade, est d’enseigner tôt, très tôt, le fonctionnement de notre cerveau et son rôle dans les relations sociales, et peut-être même de le rappeler souvent.

Point besoin d’enseigner la neurobiologie pour arriver à passer le message. Henri Laborit lui-même utilisa la fiction pour largement divulguer son message. La fiction, de la fable à la science-fiction en passant par toutes les formes de contes, est un excellent tube à essai puisqu’on peut y spéculer sur des modèles de comportements dans des environnements spécifiques. Évidemment, ce type de message risque de toucher plus l’inconscient que le rationnel. Aussi faut-il toujours s’entourer des précautions d’usages, de toujours mettre en garde que « toute ressemblance est fortuite » et qu’il ne s’agit pas d’une Mythologie des temps modernes.

Il est très difficile d’admettre que nous sommes des « bêtes » jouant aux « anges ». La vérité est parfois insupportable. Pourtant, si l’on souhaite que l’homme devienne « Homme », et que sa Terre devienne son « Éden » (Hôdo), il est utile de recourir aux fables, aux paraboles et aux allégories.

Pire, ceux qui découvrent le rôle dominant du cerveau peuvent se sentir déstabilisés. Pour beaucoup, l’intelligence est plus taboue que le sexe. Pourtant, connaître les composants chimiques des parfums et saveurs n’ôte pas le plaisir de humer et de goûter. Connaître les mécanismes de la sexualité ne trouble ni l’attrait ni la consommation. Et finalement, c’est grâce aux connaissances de la physique qu’il est possible de vaincre la gravité et d’abattre bien d’autres « murs » de l’impossible.

Face aux langages imagés, d’autres se trouveront soudain une âme militante du cartésianisme, prêts à défendre leurs certitudes, leur honneur et leur responsabilité. Dans tous les cas, il faut donc utiliser au moins deux types de communication. Il faut accompagner les utopiques légendes s’adressant aux sentiments par des textes affrontant les rationalismes qui souvent servent à occulter l’inconscient, « à cacher la vipère sous l’oreiller ». Mais, ces textes non plus ne détiennent pas la clé d’une vérité que nous aurions trouvée. Or au moins deux écoles de pensées ont pratiqué l’enseignement de l’expérience intime. C'est pourquoi nous préférons jongler avec l’ironie socratique ou le kôan zen. Ceci, afin d’ébranler les certitudes de ceux qui sont fiers de leur sagesse, voire de leur médiocre train-train. Et afin de forcer à se retrancher dans sa créativité et y puiser sa propre vérité.

Ce n’est probablement pas les seules méthodes de divulgations. Et il ne faut surtout pas que la méthode cache le contenu du message. Le but n’est pas la pédagogie. Le but, le seul pour un Hôdon, c’est de largement diffuser le mode d’emploi de son cerveau. Et même pas pour partager un même savoir ! Mais seulement, parce que tant que l’Humanité ignorera les mécanismes du cerveau, rien ne changera réellement dans les sociétés : les seigneurs et leurs vassaux, les églises et leurs évangélistes, les armées et leurs héros, les réformateurs et leurs disciples changeront seulement de noms à chaque révolution.

« Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici que cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. » Henri Laborit

 Tous les sites de Hôdo