A peine Chica eut quitté l'orbite jupitérienne, que Nana surgissait du miroir d'Alice. Seule dans le tycho-drôme, elle se permit une accélération insupportable aux humains pour rejoindre le plus rapidement possible la Terre.
Quand elle arriva à Santa-Cruz, elle fut troublée de savoir que sa sœur ramenait déjà tous les matériels et documents pour améliorer le confort des Hôdons. Dans son empressement, Nana elle avait oublié d'enregistrer plus de détails sur sa mission. Sœur Maria soupçonna même qu'elle avait agi sur un coup de tête, ce qui pouvait paraître étrange pour une gynoïde.
— Je ne peux tout de même pas rentrer les mains vides, se lamenta Nana. J'aurais brûlé de l'énergie pour rien! Alors que j'essaie de trouver comment faire pour l'économiser!
Elle sentait un sentiment qu'elle ne put définir, celui d'avoir commis une erreur, d'avoir mal agi.
Elle était prostrée et peinait Petit Cheval Blanc à la voir ainsi. Il fallait lui remonter le moral, lui donner un objectif clair… Celui-ci tomba tout à coup.
L'amérindien lui fit prendre connaissance du message que les Sœurs de la Charité venaient de recevoir : un SOS d'un certain Go-Lan destiné à Chica, ses sœurs ou ses amis. Le message était trop laconique pour savoir de quoi il s'agissait exactement. Une chose était sûre : l'appel était urgent. La seule manière d'en connaître plus était de se rendre à la Nouvelle-Babylone. Petit Cheval Blanc décida de l'accompagner car il craignait qu'un piège ne soit tendu aux androïdes.
Dès que Nana et son compagnon humain arrivèrent au palais de Akaam, ils furent tout de suite conduits dans le cabinet privé qu'occupait maintenant le sosie.
— Nous n'avons pas de temps à perdre commença Go-Lan. Monsieur, regardez sur votre allinone, ajouta-t-il à l'adresse de l'humain. J'ai rapporté tous les faits inquiétants qui me poussent à vous demander de l'aide. Il y a environ trois mois, un important conflit éclata dans le Chatt el-Arab, une région depuis longtemps convoitée pour ouvrir ou fermer l'accès de la Nouvelle-Mésopotomie au golf Persique. Son Eminence ne m'a fait aucune confidence à ce sujet. C'est normal, il y a peu de temps que je suis à son service, aussi ai-je donc dû tout retrouver par moi-même et cela m'a pris du temps, car au fur et à mesure que les évènements s'enchaînaient, il devenait de plus en plus solitaire, faisant de moins en moins confiance à son entourage. Je n'aurais rien su si vous ne m'aviez demandé des informations sur Ghâzel.
— Que s'est-il passé, alors de si grave? demanda Petit Cheval Blanc.
— Il faut tout d'abord remonter plus loin dans le passé. A l'âge de vingt ans, toute sa famille fut exterminée par un coup d'état fomenté de l'extérieur par les Persans. Il survécut uniquement parce qu'il étudiait à ce moment en Espagne. C'était le cadet, et il ne semblait pas préoccupé par la politique. En fait, c'était le "mauvais" fils, rebelle des traditions familiales, qui vivait comme un bohème, misérablement, ses seuls revenus venaient de ses représentations théâtrales. A cette époque, il vivait avec une actrice maghrébine, Ghâzel, elle aussi orpheline. Dès qu'il sut qu'il fut la dernière Eminence, il revint au pays et tenta de le sauver du chaos. Il y parvint tant bien que mal, aidé par de nombreux conseillers. Le couple vivait à l'écart des mondanités de sa charge, et chaque fois qu'il le pouvait, il se retirait dans l'une de ses deux villas discrètes, l'une au sud, sur les rives du lac Auda, l'autre au nord dans les montagnes kurdes. Or, Ghâzel vivait dans la résidence sud lorsque le conflit éclata. Rapidement, Son Eminence la fit transférer au nord. Sage décision, puisque à peine eut-elle quitté les lieux qu'un missile détruisit la demeure. Pourtant, ce ne fut pas suffisant, une émeute troubla le nord du pays. Ghâzel, enceinte et malmenée par un voyage clandestin, arrivée dans des conditions déplorables, y trouva la mort.
— Je présume, que c'est à ce moment que Son Eminence éplorée décida de garder l'image vivante de sa bien aimée en commandant un sosie.
— Ce sont là des considérations humaines que je ne peux comprendre. Ce que je sais, c'est qu'à partir de ce moment, il ne se confia plus à aucun conseiller.
— Avait-il acquis la conviction qu'on le trahissait?
— Sans doute. En tout cas, il devait se rendre en secret voir quelqu'un. J'ai essayé de retrouver des traces sur le Réseau me permettant de savoir qui et où.
— Et?
— Je pense qu'il s'est rendu dans son chalet. Mais toutes traces disparaissent depuis cinq jours. Aucune transaction, aucun dialogue, rien. C'est impossible, un humain doit au moins commander sa nourriture.
— Il ne nous reste qu'une chose à faire, nous y rendre, conclut l'amérindien. Vous savez au moins ou cela se trouve? Pendant que vous vous occupez du voyage, je vais préparer une trousse de premier secours. Sait-on jamais!
Le moniteur du véhicule indiqua que la meilleure route passait par Arbil. Ensuite, les chemins de montagne surprirent Petit Cheval Blanc qui commenta :
"pas étonnant que la pauvre Ghâzel n'ait pas survécu à un tel voyage. Ils vivaient vraiment dans un trou perdu. Surprenant pour des Eminences. Des têtes folles de surcroît! Pourquoi vivre à deux pas de l'ennemi traditionnel?"
Le trio, composé de Nana, Petit Cheval Blanc et Go-Lan, durent terminer la route à pied. Ils n'avaient pas prévu un véhicule tout terrain, mais le plus rapide sur route normalisée. Le chalet était une copie de ceux que l'on trouve dans les Alpes. L'endroit était paisible et n'évoquait en rien le théâtre de drames.
En s'approchant de l'habitation isolée, les voyageurs virent deux gardes qui s'approchèrent.
— Des gynoïdes, apprit Nana à l'humain.
— Je les connais, continua Go-Lan à haute voix pour être entendu de l'humain, elles sont arrivées en même temps que ma nouvelle peau. Celle de droite, c'est Uranie, celle qui m'a habillé. Elle nous demande ce que nous faisons ici. Je lui demande de s'exprimer en vocal.
— Ouais! Çà peut-être utile, approuva Petit Cheval Blanc qui ne supportait pas d'être mis à l'écart par ces créatures.
Go-Lan expliqua le motif du voyage : la disparition trop longue de son maître était anormale. Uranie raconta à son tour qu'il était parti à pied vers la frontière, accompagné de deux gynoïdes.
— Pourquoi deux? s'enquit l'humain.
— Mais parce que Muhammad n'avait que deux gardes de corps! répondit Uranie, comme si cela coulait de source.
— Muhammad! s'étrangla Petit Cheval Blanc. Le Muhammad? L'Empereur de Perse? Conduis-nous là-bas!
— Je ne peux pas, Son Eminence nous a demandé de ne pas bouger d'ici.
L'humain se rappelait des cours élémentaires de Frans pour convaincre un androïde. Mais avant, il préféra rencontrer Ghâzel. Si elle était à l'image de l'épouse disparue, peut-être était-elle la confidente de Akaam, et dans ce cas, il pourrait en savoir plus sur ce qu'il devait faire. Il devait jouer habilement car, si Ghâzel s'était bien investie de son rôle, comme tous les gynoïdes qui s'imprègnent d'une personnalité humaine, elle ne devait pas dévoiler au premier venu un secret qui lui était confié par son "époux".
L'expérience d'ambulancier s'avérait utile. Ce n'était pas la première fois que Petit Cheval Blanc devait user de psychologie pour obtenir des informations afin de venir en aide aux malades et accidentés. Ce qu'il apprit ne le surprenait qu'à moitié. Il ne savait pas pourquoi, une sorte d'intuition l'avait préparé à entendre les confidences de Ghâzel.
Son Eminence avait jugé que les coups qu'on lui portait étaient trop bien ciblés, trop personnalisés. C'était à lui qu'on en voulait. A lui et à sa famille. Longtemps, tous étaient persuadés que les coups bas venaient de l'Est, l'ennemi traditionnel : ces maudits Persans. Mais pourquoi tout compte fait? quels avantages avaient-ils de vouloir la guerre? Et si l'ennemi était ailleurs? à l'intérieur.
Il fallait en avoir le cœur net, aussi, Son Eminence demanda de parlementer avec son vieil ennemi. Peut-être qu'il n'était pas si "méchant" qu'on le lui disait, qu'on le lui avait appris. Certes, les deux états et leurs chefs respectifs divergeaient sur de nombreux points. Pourtant une cohabitation pacifique était sans doute possible. Bien d'autres pays y arrivaient.
C'est pourquoi Akaam partit discrètement afin de trouver une solution de coexistence pacifique sans qu'aucun fanatique ni terroriste ne vienne troubler les pourparlers. Un prétendu rendez-vous galant fut arrangé dans un motel Persan isolé dans les montagnes frontalières. Il fut convenu que les deux chefs d'état s'y rendraient accompagnés chacun de deux gardes de corps féminins.
Ghâzel connaissait l'emplacement de l'auberge et Nana eut tôt fait de la localiser sur l'atlas.
Soudain Petit Cheval Blanc coupa court aux explications de Ghâzel. Il se leva et s'adressa aux androïdes qui l'entouraient :
— Voilà pourquoi vous n'avez plus de nouvelle de Son Eminence. Il est peut-être passé à l'ennemi, rappelez-vous qu'il n'avait pas la carrure d'un chef d'état, à moins qu'il ne soit tombé dans un piège tendu par les Persans. La solution est effectivement de l'autre côté de la frontière. Quant à moi, vous n'avez plus besoin de mes services. Je propose que nous partions tout de suite avant la tombée de la nuit.
— Mais… et moi! qu'est-ce que je deviens dans cette histoire? demanda Go-Lan.
— Je ne sais pas. Je suis ambulancier pas politicien.
Sur ces mots, il quitta le chalet. A quelque pas du seuil de la porte, le secouriste s'arrêta et sous le regard étonné de Nana, se mit à quatre pattes et colla son oreille au sol.
— Vous ne vous sentez pas bien? s'inquiéta la gynoïde.
— Ne sais-tu pas que nous, les peaux-rouges, sommes capable d'entendre ce que les gens civilisés ne savent pas ouïr?
— Non. Qu'entendez-vous?
— Concentre-toi, écoute, regarde! Tu n'observes rien?
Go-Lan et Nana examinèrent attentivement les environs. Nana ouvrit la bouche.
— En silence! intima l'ambulancier. Je veux le silence.
Il se releva et sans plus adresser la parole aux androïdes rejoignit le véhicule plus bas. A peine installé, il fouilla dans ses poches et finit par extraire, l'air victorieux un petit calepin de la confection du père Keshavan, muni d'un petit crayon attaché avec une ficelle. Il griffonna quelques mots que les deux androïdes lurent, silencieusement. Nana se saisit du carnet et à son tour y écrivit, lentement, comme un enfant qui apprend la calligraphie.
Les craintes se concrétisaient. Les ruses de sioux n'avaient qu'un but, obliger les deux androïdes à écouter de tous leurs sens, bien plus développés que ceux des humains. Des sens qui s'étendaient de l'ultraviolet jusqu'aux ondes radio et qui avaient capté la présence de mouchards. Quelqu'un épiait les moindres gestes de Son Eminence. Le matériel informatique censé le protéger des indiscrétions le trahissait encore plus.
L'instinct de baroudeur avait protégé l'ambulancier. Il fallait maintenant en tirer profit et avant tout quitter cet endroit truffé de pièges. Dès que le véhicule arriva aux portes d'Arbil, Petit Cheval Blanc programma une autre route.
— Nous allons en Perse? s'étonna Go-Lan.
— Je crois que nous avons moins à craindre de l'autre côté de la frontière. D'ici là, continuez à garder le silence, nous rentrons en territoire ennemi.
— Si je puis me permettre, continua Go-Lan, Nana devrait se voiler le visage.
— Et si je dois me permettre, gronda l'amérindien, tu dormiras lorsque nous franchirons la frontière.
Il n'y eut aucune difficulté au poste douanier. L'ambulancier disposait de nombreux laissez-passer. Nana était momentanément Adela Nefertiti, et Go-Lan un malade d'une froideur cadavérique. Le trio s'arrêta à Tabriz, l'humain avait besoin de se ravitailler. L'estomac plein permettait de mieux réfléchir sur la suite des actions à mener.
— L'inconvénient, c'est que je ne connais personne ici, se lamenta-t-il.
— Moi, si! répliqua Go-Lan. Je connais Go-Lem.
— C'est qui celui-là?
— Mon homologue persan.
— Tu veux dire que… Muhammad, aurait un sosie? comme toi?
— Oui, et c'était mon correspondant jusqu'à ce que Chica me recommande de ne plus communiquer avec les Tyrans.
— Les tyrans? Qui sont ceux-là?
— Nos créateurs, de la ville de Tyr.
— Ha! j'avais compris autre chose. Et alors, pourrais-tu discrètement te renseigner auprès de ton homologue.
— Comment?
— Je poserai les questions et tu les transmettras. D'accord? Exécutions!
Cela faisait vraiment du bien de s'adresser ainsi à des chefs d'états. Dommage qu'ils n'étaient pas en chair et en os.
— Puis-je me permettre maintenant une question? demanda Nana. Pourquoi sommes nous venus ici?
— Déformation professionnelle, intime conviction de Hôdon, peut-être le devoir à l'égalité des soins? Je n'aime pas laisser tomber quelqu'un et, ma foi, même s'il s'agissait d'un androïde, je me sens concerné.
— Pourtant…
— Oui, je sais, j'ai fait semblant que je ne voulais pas me préoccuper du sort de Son Excellence, car on nous espionnait. Je ne voulais pas que l'on connaisse mes intentions.
— Oh, Vous les humains et vos mensonges! Dans ce cas, vous voulez vous rendre au motel? J'ai les coordonnées exactes et la route pour nous y rendre.
— Pas tout de suite! Tâtons le terrain. Nous ignorons dans quel guêpier nous sommes et puisque nous pouvons contacter Go-Lem, profitons-en.
Ce dernier était très embarrassé. L'absence de son maître n'avait été programmée que pour deux jours et une nuit. Et voilà que Go-Lan se trouvant dans la même situation, lui demande des nouvelles de son maître à lui. Ils étaient soudain tous les deux orphelins.
Ce n'était pas la première fois que Go-Lem jouait le rôle de l'Empereur et en général tout se passait très bien, car tout était prévu dans les moindres détails, avec plusieurs issues possibles dans chaque situation. Maintenant, il fallait improviser, surtout que Muhammad ne répondait à aucun appel. Pourtant, il ne semblait pas courir de risque. Le motel était sûr. La garde avait tout inspecté avant l'arrivée des deux chefs d'état: pas de bombes, pas de tireur d'élites embusquées, rien de suspect. Un endroit banal fréquenté par des prostituées, un lieu de rendez-vous impossible à imaginer pour accueillir Sa Sainteté. Toutes les routes y conduisant furent fermées à la circulation. Travaux! disait-on à la clientèle en quête de nuits chaudes.
Go-Lem ne pouvait plus continuer à se réfugier dans la prière et le jeune sans que cela paraisse suspect. Il se demandait comment trouver Muhammad car il ne pouvait se risquer de quitter le palais et trahir sa nature d'androïde. Une inopportune demande d'audience, urgente comme il se devait, vint le déranger.
— Son excellence, nous avons capturé cette femme. Elle désire vous voir avant que nous la condamnions. Acceptez-vous cette dernière requête. A votre place je refuserais, sachant que son ultime geste serait de me cracher au visage.
Là où un humain aurait jeté un regard désespéré vers son complice, Go-Lem émit un appel de détresse vers Gol-Rahmân avant de prononcer :
— Oui, je la recevrai. Envoyez-la-moi, seulement accompagnée de Nâhîd et Laylâ.
— Sa Grandeur! ces deux femmes sont frêles comparées à cette harpie.
— Je sais ce que je fais. Allez!
L'homme s'exécuta et quelques instants plus tard, trois femmes furent introduites dans le cabinet de Son Excellence. La porte se referma derrière elles.
La femme du milieu, l'humaine, arracha son voile et lui cria :
— Regarde ce visage, tu es le dernier à l'avoir vu. Pourtant, ce n'est le dernier que tu verras, car c'est celui de la Liberté.
L'humaine reprit son souffle, bomba le torse et tendit les muscles prête à essuyer les foudres de l'Empereur. La mort, elle l'attendait déjà, mais avec quels raffinements, quel cortège de tortures?
L'androïde oublia la femme, car il venait de recevoir l'appel pressé de Go-Lan.
Un frisson parcourut l'échine de la prisonnière. De réputation, elle savait que plus la colère de l'Incomparable était grande, plus muette elle était. Go-Lem fermait les yeux. Longuement, avant de rompre enfin un silence de mort.
— Femme, te bas-tu pour la liberté?
— Oui, répondit-elle avec arrogance.
— Es-tu prête à continuer?
— Si je pouvais survivre…
— Même au péril de ta vie, une seconde fois?
— Pourquoi toutes ces questions?
— Je te charge d'une mission, contre ta liberté. Vas à Tabriz, accompagnée de ces deux compagnes. Rejoins-y trois personnes. Si tu reconnais l'une d'elle, ne t'étonnes pas. Prends la route avec eux vers l'endroit que mes collaboratrices vous indiqueront. Tu iras examiner un endroit avec un homme et une femme de l'autre groupe, et tu me rapporteras tout ce que tu auras vu. Après, j'aviserai.
Go-Lem prit son allinone et appela les gardes et le maître des sceaux pour les informer de sa décision. Il venait de trouver l'opportunité d'envoyer un émissaire discret pour rejoindre Go-Lan.
Un sosie parfait, car la femme humaine ne fut étonnée que par la présence de Son Eminence, sans se douter qu'il ne s'agissait pas de lui.
A Tabriz, la Persane continua la route en compagnie de Petit Cheval Blanc et de Nana, laissant les trois autres androïdes dans le véhicule néo-mésopotamien de Go-Lan.
Dès l'arrivée au motel, la femme se rendit compte qu'un drame s'y était déroulé : une puanteur de charogne se mêlait aux odeurs d'un incendie. Seuls Petit Cheval Blanc et Nana purent regarder le spectacle à l'intérieur du motel à moitié calciné. Les corps déchiquetés de Son Eminence Akaam et de l'Empereur Muhammad pourrissaient côte à côte, uni dans la mort. Des débris de gynoïdes jonchaient le sol. Il y en avait plus que les quatre gardes de corps. Sans doute, d' inoffensives prostituées. La tête de l'une d'elle, arrachée du corps, ne cessait de répéter la même phrase.
— Que dit-elle, interrogea l'ambulancier en se masquant le nez et la bouche pour filtrer l'odeur de pestilentielle.
— Hétairie, hétaïres. Il doit s'agir de deux mots qui, lorsqu'ils sont prononcés, doivent enclencher la mise à feu d'une bombe. A en juger par les restes, elles avaient toutes des bombes. J'ai trouvé sur la tête parlante un numéro de série. Cette gynoïde a été livrée à Tyr.
Petit Cheval Blanc comprit. Les gynoïdes n'étaient pas des kamikazes et n'auraient pas pu tuer des humains, sauf si elles ignoraient elles-mêmes que c'était leur mission. A un moment donné, l'une d'elle a prononcé la clé fatidique et dans un dernier sursaut a figé un éternel message comme un disque rayé pour que justice soit un jour faite.
Dehors la femme humaine attendait toute pâle les deux observateurs.
— Dites-moi? Qui était-ce?
L'amérindien s'empressa de répondre avant Nana : "des négociateurs pour la paix entre la Nouvelle-Mésopotamie et la Perse."
— Ne restons pas ici, continua-t-il. Cet endroit est dangereux.
— Non, il n'y a plus rien à craindre, dit Nana. Je n'ai pas pu retrouver tous les corps, mais je pense que tous les gardes ont été assassinés. Il n'y a plus de témoin vivant. Et ceux-là, à l'entreé, ont été tués par des humains.
— Des humains, s'étonna la femme, que voulez-vous dire?
Encore une fois, Petit Cheval Blanc s'empressa de répondre :"Oh! façon de parler! ne vous inquiétez pas, on s'en va!"
— Pour aller où? s'inquiéta-t-elle.
— Au seul endroit où nous serons en sécurité : chez l'Empereur, lui répondit l'homme.