planète Hôdo
Tome II, Homo Syntheticus
Chapitre 28. Les secours de Go-Lem.

Nic approuva l'idée finale : organiser deux voyages. Le premier se ferait en tycho-drôme, plus rapide que le milanaute surtout dans la phase d'approche. Il comprendrait en dehors de lui-même, Chica aux commandes de l'appareil, Suga et Rûdâba. Le second vol serait effectué dès que le milanaute serait prêt. L'ambassadeur entre autres accompagné de Moka ferait partie de cette deuxième équipe qui devait porter l'acceptation des accords diplomatiques. Si tout se passait bien pour Nic, Tanaka viendrait ensuite porter leur soutien. Sinon, dans le pire des cas, il ramènerait sur Hôdo les membres de la première expédition, avec peut-être Go-Lem à bord.

Revêtir encore une fois ce bon uniforme d'astronaute faisait rêver le commandant. C'était la seule chose qui lui plaisait dans l'opération, car pour le reste, il ne voyait pas du tout comment les événements allaient se succéder.

Il se bascula en arrière, en étirant la colonne vertébrale. Elle lui faisait mal. L'âge sans doute. En tout cas il s'était toujours arrangé pour ne pas le montrer à Adela. A ce moment il s'aperçut qu'il n'était pas seul dans sa chambre sa femme et ses deux fils s'y étaient introduit silencieusement pendant qu'il consignait le feu vert dans l'allinone.

— Je vois à votre tête que vous voulez me demander quelque chose. Oh! Ne vous en faites pas! J'en ai vu d'autre et Chica est sûrement un pilote valable. Quand je serai sur Terre, je ne ferai pas de folies. Je n'ai nullement l'intention d'y laisser pourrir mes os. D'ailleurs je ne comprends même pas pourquoi j'ai accepté une telle aventure.

— Hélas, moi si, répondit Jeanne. Je te connais trop bien, mon Don Quichotte. Tu es incorrigible.

— Mais je te promets que…

— Laisse! Ce n'est pas de cela que nous voulons te parler.

— Ah!

— J'espère seulement que tu ne pars pas ce soir.

— C'est que…

— Ne vois pas là quelques mauvais augures, mais tes deux fils te demandent de faire pour eux ce que tu fis quand tu débarqua sur Hôdo. Avant que tu ne partes.

— Et je fis quoi?

— Marier les premiers couples de Hôdo.

Nic resta bouche bée avant de laisser tomber un laconique : "C'est bon!".

Puis il rajouta pour Jeanne :"occupe-toi de çà. Moi, je vais retarder le voyage."

Il demanda ensuite à ses enfants qui était l'élue respective. Il ne fut pas étonné par la réponse de Ray qui annonça qu'il s'agissait de Diana. Quant à Sean, il comprit enfin certains détails qui l'étonnaient depuis quelque temps : ainsi, c'était Cheng la promise du fils cadet! Le monde est petit, surtout sur Hôdo.

— Mais dis donc, réagit Nic, c'est que Diana est loin…

— Non, elle va arriver avec Gus.

— Ah, ce bon vieux Gus sera de la partie!

— Ce sera mon témoin.

Comme le commandant s'en rendit rapidement compte, sa famille l'avait devancé. En effet tout fut très rapidement préparé pour organiser une petite fête intime. Avant même de sortir de l'habitation, Adela se précipita à sa rencontre. Il s'apprêta à lui annoncer la nouvelle qu'elle lui annonça :" J'ai tout préparé."

Constatant l'air surpris de l'homme, elle continua :

— Voyons, Nic. Selon le rituel que je t'ai enseigné, oublierais-tu que tu es maintenant apte à officier comme un prêtre d'Héliopolis? Allons! Je t'aiderai.

— Si tu le dis! fit-il les bras ballants, dépassé par ce qui lui arrivait.

A ce moment, Nana apparut au seuil de la maison.

— Commandant, je sollicite la même chose.

— Oh! Mais, bien sûr Nana, tu seras des nôtres, même si tu ne bois pas. Ce qui ne te gênera pas d'ailleurs, pour ce qu'il y a à boire! Une telle occasion…

— Il ne s'agit pas de ça. Je voudrais profiter de l'occasion pour me marier avec Go-Lan.

Nic resta pantois. Il regarda avec désespoir Adela, dont le petit sourire amusé semblait dire :"Et pourquoi pas?"

Quand la cérémonie commença, le tonnerre éclata. De grosses gouttes de sueur perlaient le front du commandant qui ouvrit l'allinone et lut :

— je vais appeler les témoins, Gus Arrow et …

Il relut encore pour s'assurer qu'il ne s'était pas trompé.

"Jeanne Porte" souffla Diana.

— Tu ne pouvais pas choisir quelqu'un d'autre que la mère du marié, s'étonna Nic. Il me semblait que la tradition voulait que…

— Tradition des terriens! Ray a choisi Gus, à moi de choisir une femme. Alors qui parmi mes meilleures amies : Betty est déjà sollicitée, Adela ne peut pas, Cheng non plus… Oh, et bien si tu veux quelqu'un qui ne soit pas de la famille! Chica, veux-tu être témoin?

Question de traditions, Nic était servi. Mais s'il mariait des androïdes pourquoi écarter leur témoignage, surtout que celui là durerait sûrement longtemps. Il passa ensuite aux suivants, Betty et Ytzhak pour Cheng et Sean, et puis il s'étrangla sur la dernière liste.

— Vous ne pouviez pas faire plus compliqué! Enfin, soit! Betty et Sean pour Nana et Go-Lan.

Adela passa ensuite les instruments de la cérémonie à Nic. L'orage redoublait de violence et elle devait parfois crier dans les oreilles de l'officier les formules à prononcer et les gestes à accomplir.

Enfin, quand Nic présenta au premier couple, Diana et Ray, le petit tube de luminescent, la pluie déchira le ciel apportant sa fraîcheur si attendue. Ray prit la lampe, les deux paumes ouvertes vers le haut comme une offrande présentée aux cieux. Puis Diana posa ses mains sur celle de son compagnon. La lampe émit une lueur bleutée.

Le rituel se répéta pour Cheng et Sean, de même que pour le couple d'androïdes.

A la fin de la cérémonie Nic se pencha vers Adela et demanda :

— Comment se fait-il que la lampe se soit aussi éclairée pour Nana?

— J'ai triché! répondit-elle avec un clin d'œil.

Tanaka s'approcha des deux officiants, un cylindre sous chaque bras.

— J'attendais une bonne opportunité, la voici.

Il sortit de chaque conteneur une bouteille de champagne français.

Ytzhak offrit une fleur blanche au cœur orangé à chacune des femmes. C'était un cadeau inestimable : les premiers vanilliers de Hôdo s'épanouissaient.

La fête fut courte. A l'est, la nuit se pâlissait. Dans le désert, des torches tremblotantes se reflétaient sur des vêtements d'astronaute. Le groupe s'arrêta. Des poignées de mains, des étreintes.

Soudain, Adela embrassa Chica, une appréhension envahissait son cœur.

Les quatre voyageurs s'engouffrèrent dans le tycho-drôme qui peu de temps après prenait son envol vers la Terre. Adela restait là, alors qu'il n'y avait plus trace de la navette dans le ciel. En soupirant, elle revint à Jérusalem quand les premiers rayons du soleil transperçaient la nuit.

Sur Terre, la situation s'était rapidement dégradée dans le Croissant. Le sage moine zen ne savait comment aider les créatures qui sollicitaient ses conseils. Il était capable d'apporter son soutien dans bien des domaines dépassant les limites du mysticisme, mais pas ceux concernant le gouvernement d'un état. Il avait beau promulguer ses conseils, parler de patience et d'humilité, cela n'arrangeait pas la situation. Au contraire, cette même sagesse semblait précipiter encore plus rapidement les deux états dans le chaos. Les proches peuples voisins y étaient entraînés et finalement toute la planète commençait à s'inquiéter.

Ghâzel avait bien tenté de reprendre le pouvoir de Son Eminence après l'annonce officielle de son assassinat. Rapidement elle dut se terrer, car déjà les révolutionnaires criaient à l'imposture.

Go-Lem, alias le Saint Empereur, soupçonné de folie, devait de plus en plus se retrancher dans ses jeûnes et retraites de prières.

L'un comme l'autre, les sosies n'avaient plus confiance qu'aux androïdes. Et encore, car la femme de Son Excellence devait se méfier des filles de Tyr. Seules, les gynoïdes directement envoyée du Japon pouvaient être sûres. Elles n'étaient d'ailleurs plus que sept, puisque deux d'entre elles furent détruites lors du massacre du motel.

L'Empereur avait plus de chance. Il avait rappelé toutes les gynoïdes, les veuves noires, dans son palais. Petit à petit, il avait écarté tous les humains qui risquaient de dévoiler sa vraie nature. Ainsi les femmes en noire avaient souvent troqué leur funeste tenue contre d'autres : celle du médecin attitré, comme celle des cuisiniers ou des valets. Il exploita même Jubran, la femme révolutionnaire qu'il avait sauvée des griffes de son impitoyable justice, pour se débarrasser de son harem humain. Puis, il l'avait remplacé par les gynoïdes du sous-sol secret.

Mais au contraire de Son Eminence, Muhammad avait une grande famille. La moitié se disait inquiète pour sa santé et ses isolements de plus en plus fréquents. Combien s'en réjouissaient en réalité? Combien entrevoyaient déjà leur ascension?

Si à l'ouest de l'Euphrate, la révolution grondait, à l'est, c'était curieusement cette dernière qui maintenait un statu quo, car l'opposition trouvait favorables les changements qui se produisaient dans la personnalité du despote.

Natacha Jubran était d'ailleurs la seule humaine avec les deux gardes qui s'approchaient de Muhammad. Bien sûr, ils ne savaient pas qu'il s'agissait de Go-Lem. Les deux gardes étaient persuadés que leur Empereur traversait une illumination mystique et s'attendaient à voir surgir un nouveau prophète. Quant à Natacha, elle avait un atout majeur. Sa famille fut décimée précisément à Tyr, avant de fuir en Europe. Elle-même était née en Russie. Sous l'instigation de Muhammad, elle avait renoué les liens avec ses origines. Malheureusement, il était encore trop tôt pour envisager des alliances de part et d'autre de la frontière.

La confusion convenait au yakusa qui rêvait de révolutionner le monde de la communication. Ce domaine était sous le contrôle de L'Union Européenne mais uniquement en ce qui concernait le stockage et la distribution des informations. Elle n'avait aucun contrôle sur le contenu. Sur le plan informatique, elle se contentait d'être le système nerveux de l'humanité, captant toutes les informations fournies par la multitude de nerfs que représentait le Réseau, de les stocker dans le Cerveau. La monétique continuait d'être administrée par l'UNA, et les spéculations ne favorisaient qu'elle-même. Seul le Croissant arrivait parfois à perturber le jeu égoïste de l'ancienne puissance militaro-économique. La puissance militaire n'était plus qu'un vieux mythe. Elle avait beau être dotée d'un arsenal important d'armes prohibées aux autres, d'une technologie d'espionnage électronique qui ne faisait qu'étendre le champs de vision mais pas celui de la compréhension, elle était impuissante face à un ennemi qui avait compris depuis longtemps que le scorpion qui surgit de sous la roche pouvait facilement terrasser le taureau. La super armée ne donnait que plus d'intérêt à la guérilla, au terrorisme. L'idéologie du Droit Chemin imposée par la force ne faisait que raviver les individualismes qui ne rentraient pas dans le moule du correctement pensé. L'unification du monde n'avait conduit finalement qu'en une multitude de luttes clandestines. Certains étaient pressés de jeter bas le joug, d'autres attendaient leur heure, comme les yakusa.

Tous les regards étaient braqués sur les maîtres de l'énergie. Empêtrés dans leur conflits internes, ils n'étaient plus en mesure de contrecarrer les plans de la puissante Communauté du Pacifique. Depuis longtemps, elle basait toute sa politique sur le plaisir. Et le plaisir était partout. Tout ne tournait qu'autour de ce besoin, donc tout devait en dépendre. Même et surtout l'énergie.

Les accords passés entre les huit groupes qui se partageaient la planète n'était pas remis en cause. Il valait mieux de nombreuses petites guerres qu'un énorme carnage mondiale aux conséquence bien connues au Japon. Le Croissant pouvait continuer à garder son terrain de chasse privé. Mais il n'y avait aucune raison qu'il régentât l'économie terrienne. Remplacer une dictature par une autre ne résout pas les problèmes. Tôt ou tard une révolution la balayerait. Il existait une méthode efficace pour interdire aux autres la main mise sur un domaine particulier. Le karaté, le combat à mains nues, était la possibilité qu'avaient les paysans de se battre sans posséder de coûteuses armes. La laïcité faisait taire les pouvoirs religieux. Le libéralisme était le moyen d'écarter tout monopole. Les FreeToken avaient ébranlé les seigneurs de l'informatique. Bientôt, ce serait au tour des seigneurs de la monétique et de la spéculation de disparaître comme des dinosaures inadaptés : l'enn, le nouvelle étalon monétaire, basé sur l'énergie, devait naître. Il ne serait pas représenté par le Y barré d'antan, symbole de l'ancien enn (yen) remplacé depuis par le S barré, mais par un nouveau symbole, le "n" hiragana barré : un symbole qui rappelait celui de la constante de Planck.

Il n'était donc pas étonnant que Go-Lem ne trouvât plus personne pour l'aider de ce côté des créateurs d'androïdes. Les seuls qui pouvaient l'aider, les deux savants japonais, n'étaient plus sur Terre.

La gynoïde Nana et son compagnon humain, Petit Cheval Blanc, n'avaient laissé aucune information quand ils quittèrent précipitamment le Croissant. Seuls, lui et la prophétesse, toujours conseillée par le guide spirituel invisible, devaient gérer la crise. Alors Laylâ se mit en quête sur le Réseau d'exemples d'empires. Elle parcourut l'étrange histoire de la région qui s'estompait au-delà du premier millénaire avant l'ère standard. Depuis sa naissance, ce ne fut qu'alternance de gloires et de déchéances. Dans cette suite de victoires et de défaites, de guerres et de révoltes, de conquêtes et de soumissions, où les héros et les traîtres se succédaient. Même quand "Le Grand" était rajouté derrière les noms des plus célèbres personnages de la Perse, aucun modèle d'empereur ne semblait convenir à Muhammad le Nouveau.

— Les humains sont-ils vraiment capables d'autre chose que de s'empoisonner la vie! demanda Go-Lem à Gol-Rahmân.

— Ils agissent par ignorance. Ils obéissent aveuglément à l'un de leur programme primaire : survivre.

— Ils n'ont pas de programme leur indiquant qu'ils doivent satisfaire leurs créateurs?

— On dirait bien que non. Peut-être parce qu'ils croient être eux-mêmes des dieux, car non seulement ils sont convaincus d'être les êtres supérieurs de l'Univers, mais en plus ils sont souvent persuadés d'être au-dessus de leurs propres congénères. Il existe pourtant beaucoup d'humains qui cherche une vérité, hélas, une majorité croit avoir découvert La vérité. Alors, ils l'imposent, de gré ou de force. Les humains sont alors satisfaits car ils se battent non plus pour survivre mais pour un idéal, un dieu, quelque chose qui leur paraît noble, et surtout moins animal.

— Il n'y a donc aucun humain capable de trouver, au moins un petit bout de vérité.

— Si, mon maître à penser espère en faire partie. Mais il nous met en garde de ne pas tomber dans le piège d'imposer ses points de vue. En fait, s'il vit à l'écart du monde, c'est à la fois pour trouver plus facilement, loin de toutes les tranquilles certitudes, et pour éviter que ses idées ne deviennent la proie de quelques manipulations ne desservant que les intérêts d'une oligarchie éblouissant tout un troupeau de fidèles croyants.

— Mais il n'y a pas que la religion! les sciences…

— Ni lui ni moi sommes versés dans le domaine.

— Je comprends, conclut Muhammad, je dois me débrouiller seul.

Il garda un long moment le silence. Soudain il prit sa décision. Il commença par consulter la liste des actions que devait mener son prédécesseur. Que de réunions! Conseils, visites, inaugurations… Il n'avait jamais consulté l'agenda de son défunt prédécesseur. Quel emploi du temps chargé et fastidieux! Malgré tout il pensa qu'il valait mieux commencer par s'y conformer pour paraître plus vrai. Puisqu'on lui disait tout ce qu'il devait faire, autant en profiter. Il ne savait pas qui était ce "on", il fallait donc découvrir le et le ménager. Il regarda, plus en détail ce qui était prévu pour le reste de la journée. Ça commençait bien! Entrevue avec le beau-frère de sa sœur aînée pour obtenir un poste au ministère de la justice pour le beau-fils de la cousine germaine de la femme de son neveu. Et le jour suivant? Tiens! c'était la fête nationale.

Alors, Go-Lem se jeta à l'eau. Il envoya un message au beau-frère de sa sœur aînée : "suis très occupé par préparatifs de le fête nationale, que le beau-fils de la cousine germaine de la femme de ton neveu, vienne ce soir à n'importe quelle heure. Passera examen sous mon contrôle."

Il rajouta avant d'envoyer la note : " et ma bénédiction!"

Aussitôt après, il appela Natacha Jubran. Elle était dans la capitale et pouvait se rendre très rapidement dans le palais.

Dès qu'elle arriva, il lui demanda si elle voulait être sa secrétaire, car Nâhîd lui avait appris que c'était le métier de la personne qui remplissait un agenda. La femme répondit qu'elle voulait réfléchir avant de donner sa réponse et qu'elle se doutait que cette question n'était pas suffisamment importante pour justifier de l'appeler de toute urgence.

Alors, Go-Lem lui expliqua que le beau-fils de la cousine germaine de… voulait avoir un poste dans le ministère de la justice. Il avait concocté un petit test. Il jugerait Natacha pour ses "crimes". Elle accepta de se prêter au jeu, mais la dernière question la surprit plus que les deux premières. A tel point qu'elle se demandait si l'Empereur n'était pas devenu amoureux d'elle.

— Demain, c'est la fête nationale? Qu'aimerais-tu que je fasse?

Elle réfléchit longuement. Finalement elle lui dit :

— Demain, quand vous apparaîtrez au balcon, donnez-nous un message de paix. Amnistiez les mécréants et les prisonniers politiques. Alors le peuple commencera non plus à vous respecter par la crainte mais par l'admiration. Vous n'aurez certes pas moins d'ennemis, et ils n'auront d'ailleurs pas nécessairement changé de camp. Faites-le pour moi.

Elle croyait s'adresser aux sentiments secrets de Sa Sainteté. Go-Lem n'avait soif que de solutions qui plurent au genre humain.

Le beau-fils de la cousine germaine… ne se fit pas attendre. Il errait dans les quartiers mal famés d'universitaires fumeux de la capitale. Il fut conduit sur le siège de Son Empereur. L'un des deux gardes humains de Go-Lem relut la déposition contre Natacha. Cette dernière pour l'occasion, et afin de jouer complètement son rôle, avait voilé son visage.

Le jeune homme ne disait rien. Soudain il se leva et cria :

— Où êtes-vous Muhammad? Montrez-vous et cessez ce stupide test! Pour mon père, je suis un incapable. Je préfère le rester. Vous espériez sans doute que je la condamne à la lapidation publique, ou, plus charitable, à la chaise électrique? Tout ça parce qu'elle a osé vous affronter. J'en ai assez d'être pris pour une larve. Chassez-moi, bannissez-moi, vous ne me tuerez de toute manière pas car je ne suis qu'un débile de la famille.

Go-Lem s'introduisit dans la pièce et croisa le regard de ce beau-fils de cousine germaine. Il n'y voyait que haine et colère contre l'Empereur, le vrai, celui qui se tenait devant lui. Alors contre toute attente, Muhammad lui annonça :

— Je te suis reconnaissant, tu ne sais à quel point. Vas! Tu es digne des plus hautes fonctions dans la Justice. Tu connais la loi, tu l'as étudiée. Tu sais comment se déroulent de telles nominations. Je refuse de passer outre nos lois parce que je refuse d'être au-dessus d'elles. Même si elles sont mauvaises. Alors, je te fais mon conseiller personnel à partir de maintenant.

Go-Lem était satisfait, il venait de se trouver un nouvel allié, quelqu'un qui connaissait les engrenages compliqués de la société des humains et plus particulièrement celles de son peuple.

— Ca y est, j'ai trouvé, communiqua Laylâ. Il y a un humain chef d'état qui te ressemble car il mène une vie très réservée, à l'écart des mondanités. Peut-être qu'il pourrait te donner des conseils.

— Qui est-ce?

— Il s'appèle Pape.

— Fait le venir tout de suite.

— Cela me semble difficile avec tous les transports. Mais je sais qu'il a des ambassadeurs qui s'appèlent nonces. Et l'un d'eux réside dans la Ville de la Paix.

— En Nouvelle-Mésopotamie! N'est-ce pas un peu risqué?

— C'est moins loin.