planète Hôdo
Tome I, Pionniers
Chapitre 12. Le Tycho-drôme perdu.

Le ninja était assis confortablement dans un coin de la pièce, en train de jouer avec son allinone. Il bondit au garde à vous en voyant surgir dans la pièce ses deux officiers et bégaya un "Que?". Nic, du pouce, indiqua la porte de Richard.

— Où est-il?

— Dans sa chambre, il s'y est enfermé.

— Et vous ne l'avez jamais vu sortir?

— Non, Monsieur, Rûdâba et moi-même n'avons jamais quitté les lieux. Si l'un s'absente ou se repose, l'autre est toujours ici.

Nic s'approcha de la chambre du criminel et frappa. Aucun bruit ne se fit entendre.

— Peut-être dort-il encore, hasarda le garde. A moins qu'il n'ait pas entendu l'autorisation de quitter son lit-sarcophage. Vous savez, vous n'avez fait qu'une seule annonce et cela me fait penser aux gares qui vous informent que votre transport est annulé. Tous ceux qui n'ont pas entendu l'unique message, restent bêtement sur le quai. C'est la même chose ici, s'il dormait au moment de l'avis, il continue à attendre.

— Eh bien, nous allons le libérer. Ouvrez-moi cette porte.

Nic fut à peine surpris en constatant que la pièce n'était pas fermée. Il s'approcha du sarcophage clos où une forme humaine gisait, immobile. Une vulgaire poupée gonflable remplaçait l'occupant qui s'était évaporé. Le subterfuge suffisait à tromper le garde qui s'avisait à jeter un coup d'œil dans la chambre. De plus, les cellules disposaient de tout ce qu'il fallait pour y rester confortablement cloîtré sans aucun contact avec autrui, contrairement aux véritables prisons, ce qui rendait les visites encore moins nécessaires.

Katsutoshi avait tout de suite réagi et lança l'ordre de recherche dans tous les modules, quand un astronaute se précipita dans la chambre en criant: "Commandant, un tycho-drôme a disparu!"

Immédiatement, Nic appela Andy pour savoir combien de temps il restait avant le saut. Trop tard, ils venaient d'entrer dans le second "miroir d'Alice" . Le bougre s'était envolé. Redevenu plus serein, Nic se retourna vers le ninja et l'astronaute. Il réfléchissait à la fuite insensée de Richard. Et si c'était un leurre? s'il était toujours tapi dans le Livingstone , prêt à perpétrer d'autres forfaitures? Il souhaita voir les douze autres astronautes du module et la coéquipière du garde.

Quand le couple revint, le Commandant eut l'impression de se trouver face à deux gamins qui venaient de commettre une grosse bêtise.

— C'est ma faute, commença l'homme, nous avons dû être distraits. Je vous jure que ce n'est arrivé qu'une fois. Ses yeux en amandes me fascinaient alors j'ai désiré savoir à qui ils appartenaient. Je ne sais pas ce qui m'a pris…

— Ce n'est pas sa faute, enchaîna la femme. Ainsi l'a voulu Allah qui nous a baignés d'une douce lumière parfumée. J'ai dévoilé mes lèvres et j'ai goûté à la fontaine de vie.

— Ca va! j'ai compris, soupira Nic, s'efforçant de ne pas retourner sa mauvaise humeur contre ces deux victimes du gaz. Mais dites-vous bien qu'Allah n'y est pour rien. C'est ce personnage démoniaque de Richard qui nous a possédés. Il nous a tous drogués. Il n'y a pas eu de miracle.

L'éclat qui papillotait sous les longs cils trahissait plus de béatitude à eux seuls que le reste du visage perpétuellement masqué.

— La main d'Allah guide par bien des chemins les nomades qui doivent croiser leur route à l'oasis.

— Dois-je comprendre que vous voulez de cet incroyant, interrogea malicieusement Nic. En tout cas, en guise de sanction, je vous somme d'officialiser votre mariage. Ne traînez pas! je crains qu'il y ait une certaine liste d'attente. Et surtout ne me demandez pas de devenir Imam. J'ai déjà suffisamment d'offres de ce style et je crains ne pas pouvoir satisfaire tout le monde.

— Malgré notre erreur, pouvons-nous vous demander de rester ici et de ne pas retourner dans le H11.

Nic ne répondit pas et se limita à les renvoyer d'un geste vague de la main. Il était soucieux et ces deux durs l'attendrissaient inopportunément. Bien sûr qu'il accéderait à leur désir de préserver leur "voyage" de noces à l'écart des brutes de l'astro-lab de sécurité. Il ne leur en voulait pas, car la négligence dont ils avaient été coupables était compréhensible, mais il ne voulait pas non plus paraître trop bon prince. Pas encore. Pas avant de savoir ce qui était advenu du meurtrier.

En attendant que les treize astronautes se présentent, le Commandant passa deux messages. Le premier conviait Ytzhak à comparaître dans son bureau, le second prévenait Stella de l'arrivée de l'administrateur et, dès qu'il serait arrivé, d'inviter également Adela, Diana et Frans.

Les astronautes de l'astro-lab de maintenance des tycho-drômes arrivèrent quand Nic termina la communication. Comme il s'y attendait, ils étaient très occupés pendant l'entrée dans le "miroir d'Alice" . Pourtant, l'un d'eux put observer une anomalie. Quelqu'un était bien plus vêtu que tous les autres, et pour cause, il était en combinaison de survie. Il ne put savoir qui était ce compagnon dont le visage sous le casque était caché par la cagoule isothermique et ignifuge, au lieu de la traditionnelle capuche. Nic devina qui se dissimulait derrière cet accoutrement. Mais ce qui le laissa plus perplexe, fut le choix du tycho-drôme volé, car c'était le quatrième exemplaire de générateur de X2-plasme.

Le brigand avait donc préparé son coup de longue date. Il savait quand aurait lieu le premier saut. Il avait posé une fausse bouteille de parfum qui aurait dû passer inaperçue sans l'intervention d'Adela qui avait changé les bonbonnes à cause de l'épidémie de grippe. La bouteille falsifiée devait libérer son gaz au moment où le vaisseau entamait son voyage en pilotage automatique, donc pas de danger de distraire les pilotes. Il devait aussi se douter que la totale ignorance du comportement humain en une telle aventure favoriserait la méprise et occulterait pendant quelque temps sa félonie. Enfermé dans sa chambre, il s'était revêtu de la combinaison de sortie dans l'espace en prenant soin de rester incognito. Puis, dès les premiers instants de folie collective, protégé de l'air drogué par son scaphandre, il s'éclipsa, profitant de ce que plus personne ne faisait attention à ce qui se passait autour de soi. Il put ainsi s'introduire dans le tycho-drôme et attendre patiemment le deuxième saut, sans doute pour rebrousser chemin et rapporter un compte-rendu à un mystérieux commanditaire. Car il était sûr que Richard travaillait pour quelqu'un qui l'avait très bien renseigné. Adela pouvait avoir fourni la liste de certaines personnes à éliminer. Mais ce n'était pas elle qui avait pu indiquer comment s'emparer d'une navette, donner les paramètres de la trajectoire et bien d'autres détails qui prouvaient une préparation minutieuse et aussi d'autres complicités.

Nic donna congé aux astronautes et retourna dans sa chambre, toujours accompagné de Katsutoshi. Personne n'était encore arrivé et Stella attendait patiemment dans le bureau attenant. La pièce du Commandant était en tout point identique à toutes les autres. Il n'avait aucun privilège de grade. Le mur de l'entrée était tapissé d'un écran géant qui en mode veille, affichait des décors de tout type. Nic avait programmé une série de thèmes qui apparaissaient de manière aléatoire et pour l'instant, c'était un aquarium dont les gais coloris variés des poissons agrémentaient le décor reposant. Les deux parois latérales servaient de rangement. Les portes coulissantes de tous les compartiments pouvaient être opaques ou transparents selon que l'intérieur était éclairé ou pas. Ainsi, l'armoire à vêtements était en général fermée par des miroirs. En revanche, les bibelots s'offraient au regard des invités derrière leur vitrine. Mais Nic, lui, allumait ou éteignait tout, car il préférait la vive clarté diurne ou l'obscurité des nuits de lune. Tout le long de ces deux cloisons, courait une suite de bahuts capitonnés servant ainsi de banquette. Il y avait place facilement pour une douzaine de personnes. Le quatrième côté de la chambre, face à l'écran, était composé de quatre modules techniques, le coin toilette, la cuisinette, le bloc de spécialité, et le lit sarcophage. Celui-ci pouvait sortir de son alcôve grâce à un solide vérin et se transformer en fauteuil devant une table escamotable dans le plancher.

Katsutoshi restait debout, attendant près de l'écran l'invitation à s'asseoir mais elle ne vint pas. Au contraire, la seule chose que lui dit Nic, lorsqu'il entendit Agnon arriver dans la pièce voisine fut de ne pas bouger et de ne rien dire.

L'administrateur fut introduit dans la chambre par Stella qui se retira aussitôt et appela les autres invités. Le commandant entama tout de suite son investigation et voulut connaître l'avis de l'Israélite sur les possibilités d'intrusions dans la base de données. Il fallait connaître le pseudonyme et le mot de passe d'une personne autorisée à consulter tout dossier, quel qu'il soit. Ainsi, pour examiner les curriculum vitae, seuls six membres de l'équipage y avaient droit. Chaque médecin pouvait lire les dossiers de leurs patients, et uniquement les leurs. Mais il n'y avait que l'administrateur et le chef médecin, qui pouvaient examiner les rapports médicaux et psychologiques de tous les habitants du vaisseau. Tout cela, Nic le savait déjà de la bouche même de Ytzhak, mais il tenait à le faire répéter au cas où un nouveau renseignement surgirait. Et ce fut le cas. Les pseudonymes et mots de passe des principaux responsables étaient toujours communiqués à une tierce personne dûment habilitée au secret. Une personne de la CIES, évidemment.

Pendant qu'Agnon parlait, les quatre autres invités étaient arrivés, Diana et Frans en dernier. Eux aussi confirmèrent que leurs codes d'accès étaient communiqués à la même personne de la CIES. Mais Frans donna plus de détails. La surveillance de l'ordinateur était complexe et analysait plusieurs informations. Quand un doute subsistait, il pouvait demander des compléments d'identification autres que la voix. Cela ne pouvait arriver pourtant qu'au bout de quelques trois minutes d'intrusion, le temps nécessaire pour constater une anomalie. Il était donc possible de passer inaperçu pour un espion capable de synthétiser une voix et sachant exactement ce qu'il devait chercher et comment le trouver.

Diana et surtout Frans étaient les deux seules personnes à ne pas être inquiétées par la surveillance du cerveau optronique, tout simplement parce que c'étaient eux qui étaient avertis de tout incident. Et donc, ils avaient amplement le temps de tâtonner pour débusquer un secret. Cela faisait deux suspects de plus.

Profitant d'un moment de silence, Adela voulut appuyer les dires des informaticiens en précisant qu'elle avait suivi la procédure qui consistait à envoyer au CIES l'enregistrement vocal de ses clés confidentielles. Mais à sa surprise, et Nic s'en aperçut, les informaticiens écarquillèrent les yeux.

— Vous semblez choqués, s'étonna le commandant.

Frans prit la parole.

— Bien sûr, Monsieur, c'est pour le moins inhabituel. Il n'est absolument pas nécessaire que le chef médecin confie cette information. Comprenez bien le sens de cette sécurité. Agnon et moi sommes respectivement les gardiens du contenu et du contenant du cerveau du Livingstone. Si pour l'une ou l'autre raison l'un de nous deux ne pouvait plus gérer le système, il faudrait tout de suite assurer un remplaçant qui devrait momentanément se faire passer pour nous afin de prendre notre poste. Par commodité, nous avons aussi divulgué les codes d'accès à Diana. Mais en toute rigueur, nous ne devrions pas le faire.

— Alors pourquoi cette fois-ci?

— Vous voyez la CIES nous rattraper pour nous remettre les clés? Et puis, Diana n'est pas n'importe qui. Il faut un minimum de confiance entre collègues. En revanche, imaginez que le médecin chef n'est plus en mesure de… disons de se rappeler le mot de passe, aucun problème, Agnon ou moi effaçons l'ancien mot de passe et de nouveau, l'accès est autorisé pour une seule et unique fois à notre médecin oublieux qui s'empressera de créer son nouveau code d'accès avant que nous lui tirions les oreilles. Mais l'inverse ne sera jamais vrai? le médecin n'a aucune compétence pour nous remplacer.

— Ah bon! s'étonna, Adela. Mais alors, pourquoi?

— C'est la question que je me pose aussi, renchérit Nic. Et quelles autres requêtes vous ont été adressées avant de monter à bord?

— Je ne sais pas, moi! Que voulez-vous que je vous dise? des tas de consignes plutôt d'ordre médical.

— Par exemple la classification des individus dangereux? interrogea insidieusement Ytzhak.

— Par exemple, répondit le médecin, qui soudain pâlit.

Elle venait de réaliser que les deux morts étaient en tête de liste. Ytzhak et Frans étaient d'accord sur les conclusions à en tirer. Le meurtrier avait pu recevoir de la CIES tous les éléments nécessaires pour éliminer certains individus jugés dangereux pour la mission. Par précaution, ils décidèrent de changer leurs codes et Agnon proposa de détruire cette mortelle classification, ce qui fut accepté sans hésitation par Adela, vexée d'avoir été si naïve.

Nic aurait voulu ironiser sur l'omniscience d'Héliopolis mais il ne voulait pas la blesser plus qu'elle ne l'était déjà. Et puis, il valait mieux la confier à Katsutoshi qui fut d'un coup soulagé de toutes ses angoisses. Nic lui-même avait hâte de se retrouver seul et s'empressa de congédier tout le monde.

Il resta un long moment, méditatif, assis dans l'obscurité de la pièce à peine éclairée par l'aquarium. Il prenait soudain conscience qu'une page venait d'être tournée. La CIES, la Terre entière, étaient maintenant loin, très loin. Dans quelques heures, le Livingstone émergerait dans un monde nouveau.

Il faillit ne pas entendre l'allinone qui lançait un appel depuis plusieurs secondes. C'était Cheng qui essayait de comprendre ce qui s'était passé. Nic lui raconta en détail les dernières heures? depuis l'instant où Adela découvrit qu'il n'y avait pas d'effet secondaire lors de la traversée du "miroir d'Alice" jusqu'à la disparition de l'assassin, mais il ne parla pas de la réunion qui s'était achevée chez lui. D'ailleurs, il n'en aurait pas eu l'occasion: un signal lumineux lui indiquait qu'un message urgent était en attente. Nic bascula la communication et il s'attendait déjà à de nouveaux soucis lorsqu'il aperçut que son impatient correspondant n'était autre que Gus, son chef ingénieur.

— Excusez-moi, commença-t-il, de vous appeler pour ce qui pourrait ne pas être grave, mais je préfère vous tenir au courant.

— Que se passe-t-il? fit Nic en fronçant les sourcils, car il n'appréciait guère ce genre d'introduction qui pouvait annoncer quelque mauvaise nouvelle.

— L'un des générateurs de X2-plasme présente des signes de faiblesse. Tcherenkov affirme que deux suffisent amplement, mais je préfère le déconnecter et utiliser le quatrième.

Bon sang! Nic n'avait pas eu le temps de prévenir tout le monde et surtout son ingénieur, déjà si susceptible, qu'un tycho-drôme avait été volé et qu'il contenait l'un de ces générateurs. Inquiet, il examina la réaction de Gus qui semblait ruminer d'obscures pensées. Ce n'étaient pas celles qu'imaginait son chef.

— Bien! nous ferons avec soupira le Noir. Mais cela ne m'enchante pas du tout. Je me méfie des prototypes. L'expérience m'a toujours montré qu'ils défaillaient tous ensemble, car ils avaient, en général, tous le même défaut.

— Que se passerait-il s'il n'en restait plus qu'un?

— Nous sortirions immédiatement du tunnel pour nous retrouver perdus à mi-chemin entre notre Terre promise et celle des Anciens, sans espoir d'arriver ni à l'une, ni à l'autre. Je vais voir ce que je peux faire et je demanderai l'aide de Tcherenkov.

— Je m'en charge. Je voudrais qu'il passe tout d'abord chez Adela, car je crains qu'il soit un peu… fatigué. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, prévenez-moi et en attendant croisons les doigts.

— Les croiser! Si j'ai le temps. D'ailleurs… Je confirme, Nic, il vient de lâcher. Nous ne sommes plus que sur deux générateurs. Je vous laisse, j'ai du pain sur la planche.

L'allinone s'éteignit laissant le commandant, seul avec ses pensées. Il croisa les bras, cala ses reins dans le siège et se surprit à envier ces croyants qui pouvaient s'en remettre à un Dieu salvateur. Attendre. Il ne pouvait rien faire d'autre. Il essaya de se composer un visage serein avant de se rendre dans la cabine de pilotage. Il devait y aller, car il savait que Roxane et Andy devaient s'être rendu compte de l'anomalie, et les laisser dans le doute eût été lâche de la part d'un commandant. Et dire qu'il n'avait aucune explication à donner, ni aucun espoir.

En fait, c'était plutôt Andy qui redonna confiance à Nic.

— Vous savez, dit-il en haussant les épaules d'un air fataliste, je connais Gus depuis plus longtemps que vous. C'est un pessimiste né. Et d'un susceptible! Il prend toute critique à son égard comme une insulte raciale. Aussi, pour éviter le moindre reproche, développe-t-il non seulement en permanence ses compétences, car ses seules distractions sont l'étude, mais aussi s'assure-t-il d'une sécurité maximum. Il veut prévoir tous les incidents, et s'imagine les pires catastrophes. Voila pourquoi c'est un alarmiste. Mais on s'y fait, car il n'y a pas meilleur ingénieur spatial que lui. Et tel que je le connais, je ne serais pas surpris s'il vous appelait en vous annonçant qu'avec le générateur en panne il en a fabriqué deux autres.

— Puisque vous le prenez ainsi, je vous charge de prévenir vos collègues

— Tu as compris Roxane? fit Andy en riant. Voyez, Commandant, j'ai déjà à demi accompli ma tâche.

Il faisait allusion aux règles de la hiérarchie professionnelle établies dans les vaisseaux spatiaux qui faisaient de lui le supérieur des vingt-quatre navigants puisque Nic avait dit "vos collègues" et non "votre clan" qui ne comprenait plus que les huit navigants de jour. Chaque chef, de métier ou de clan, déléguait la moitié de sa responsabilité à un second et il se trouvait que pour Andy, ce fut Roxane.

La coutume de double responsabilité avait parfois ses curiosités. Ainsi, du point de vue social, Diana était l'auxiliaire de Cheng qui représentait les passagers du Livingstone, artisans et scientifiques confondus. Mais, comme scientifique, c'était elle, le grand patron de la Chinoise qui avait à charge la section des sciences humaines.

— En tout cas, je vous remercie Andy, reprit Nic après un court moment de méditation.

— Et pourquoi, donc?

— Votre optimisme et votre réflexion! Je sais ce qu'il me reste à faire pour maintenir le moral des gens de mon vaisseau. Bientôt, nous sortirons du tunnel, et si tout va bien nous débarquerons sur un nouveau monde. Les habitations sont les mêmes que celles que nous montons sur Mars. Il convient donc, selon la tradition des astronautes, que nous constituions nos clans. Vous avez la primeur Andy. Quand B.B. sera réveillée, je convoquerai tous mes chefs de clan, sauf vous évidement. Mais au préalable, je dois consulter Tcherenkov, je ne désire pas me faire encore piéger par une entrée intempestive dans un système solaire.

Nic s'apprêta à sortir de la cabine lorsqu'il faillit buter sur Katsutoshi qui rentrait et qui lança aussitôt "Commandant, je vous cherchais."

— Est-ce urgent? s'inquiéta aussitôt Nic.

— Non, je peux revenir.

— Et bien, j'ai une meilleure idée. Je souffre de désoeuvrement. Ce voyage est par trop monotone à l'exception de notre petite aventure collective. Allons boire un coup, c'est moi qui paye. Vous aurez l'occasion de me parler en attendant que Tcherenkov nous rejoigne.

— Ce serait plutôt à moi de payer la tournée. Je tenais à vous remercier pour ce que vous avez fait tout à l'heure en reprenant l'enquête et en lavant Adela de mes soupçons.